1 576 : naissance à Vérone (Italie).
1 591 : départ pour Venise.
1 616 : après des années de solitude (parents morts quelques années plus tôt, fils unique), Leopoldo se met en quête d'une épouse. Un ami/collègue lui présente sa fille, Wilhelmina, 26 ans et éternelle célibataire. Le mariage est programmé.
1 617 : le jour du mariage, sa fiancée disparaît. De nouveau seul, Leopoldo admet qu'il ne sera jamais vu autrement que comme l'homme impotent, au physique désavantageux et au caractère affreux.
1 618 : pour la première fois de sa vie depuis le décès de sa mère, Leopoldo écume les bibliothèques à la recherche d'une solution. Des mois plus tard, alors qu'il est en bord du gouffre/désespéré, il met la main sur une possible réponse à sa situation : la nécromancie. Il abandonne tout, et part à la recherche d'un sorcier capable de lui venir en aide.
1 620 : ses recherches finissent par être fructueuses, il trouve un nécromancien. Celui-ci accepte de le transférer dans un autre corps, à une condition : il lui accordera deux ans, après quoi il devra revenir auprès de lui.
1 622 : Leopoldo, devenu Enzo dans son nouveau corps, est offert à une vampire, envers qui le nécromancien avait une dette. Il est transformé cette même année.
1 730 : embarqué jusqu'à Paris par sa nouvelle compagne de vie/amante/mentor, Enzo, réussit à la tuer. Puis il s'enfuit le plus loin possible. Il a d'autres projets plus importants.
1 990 : des années d'errance, de voyage, de recherches concernant la famille De Santis de laquelle il a juré de se venger. Et le voilà, depuis 1 989 de retour à Paris.
first life
Livre-nous ton âme, dites-vous. Le problème, c'est qu'Enzo n'en a pas. Du moins, n'en a plus. Fut un temps où on le connaissait sous le nom de Leopoldo Puccinelli. Héritier d'une des familles les plus riches de Vérone, mais laid comme tout en plus d'avoir un caractère de merde.
Enfant, il était déjà très difficile. Il enchaînait caprice sur caprice, menait la vie dure à sa mère lorsqu'ils étaient seuls, dans le manoir familial. Ce qui arrivait souvent, parce que son père partait régulièrement des semaines voire même des mois entiers pour ses affaires. Des affaires fort fructueuses que lui-même avait déjà héritées de son père, et dont lui-même hériterait plus tard.
Oui, mais voilà. Les relations entre Leopoldo et son père étaient compliquées et l'avaient toujours été. Si Leopoldo réussissait plus ou moins à bien se comporter en présence de son paternel, il n'y avait rien à faire vis-à-vis de son physique affreux. Aucune alternative possible que celle de s'afficher tel qu'il était réellement : en plus d'être empoté, il était enrobé. Et en plus d'avoir une chevelure indomptable et qu'il refusait de couper, il avait un visage des plus monstrueux. Des traits disgracieux, un double menton depuis son plus jeune âge, des yeux trop rapprochés, un nez trop long.
Selon les exigences sociales - d'ores et déjà présentes au seizième siècle -, il était laid, affreusement laid. Et son père détestait cette idée, il détestait regarder son fils unique, purement et simplement.
La laideur de Leopoldo, pourtant, aurait pu passer inaperçu, s'il ne se montrait pas en quasi permanence détestable. Arrogant, exigeant, lourd comme pas permis, hautain, et on en passe des meilleurs.
On le détestait pour l'héritage qu'il ne méritait pas mais qu'il finirait de toute façon par posséder un jour ou l'autre.
On le détestait parce qu'il se pavanait.
On le détestait parce qu'il était physiquement désagréable à regarder.
On le détestait pour bien d'autres raisons.
Pendant longtemps, très longtemps, il est resté célibataire. Puis il a perdu ses proches un à un, ses quelques rares amis. A la mort de son père, il a en effet hérité de tout le patrimoine familial, de toute la richesse qui allait avec.
Mais à trente-six ans, il était seul et désespéré. Il s'est donc mis en quête d'une épouse. Et c'est sûr Wilhelmina que c'est tombé. C'est elle qui lui a été présentée. C'est elle qu'il était censé épouser. Sauf que ...
second life
Sauf qu'elle ne s'est jamais présentée, le jour des noces. Elle s'est évaporée. Et c'est le frère de la fiancée qui est venue le lui annoncer, à lui qui attendait comme un con devant l'autel.
Il était furieux, bien sûr. Furieux comme pas permis. Et il s'est promis de le faire payer à la famille De Santis un jour ou l'autre.
Mais encore fallait-il que l'opportunité se présente ... Il savait, déjà à l'époque, se montrer patient mais il était loin de se douter à quel point l'attente serait longue, et le chemin semé d'embûches.
Parce qu'une fois le mariage annulé, il a bien fallu faire un constat simple : il était, une fois de plus, désespérément seul. Il se sentait comme s'il venait de perdre la dernière bataille qu'il pouvait jouer de manière respectable. Il lui fallait maintenant passer à l'offensive et voir plus grand, voir plus loin ...
Comment aurait-il pu laisser sa vie se terminer ainsi ? Dans le plus grand des désespoirs, dans la plus grande des solitudes ?
Alors il a pris une décision ; il s'est juré de trouver le moyen de leur faire payer à tous. Mais il s'est aussi promis de s'offrir une nouvelle vie. Loin de tous ceux qui, un jour ou l'autre, d'une façon ou d'une autre, l'avaient dénigré.
Des mois durant, il a lu. Il a parcouru des pages entières de livres traitant de la sorcellerie, et d'autres démoneries abracadabrantes. Cela l'a, finalement, mené à la découverte d'une branche de la magie dont il n'avait que vaguement entendu parlé, étant plus jeune : la nécromancie. Mais ses recherches ne pouvaient pas s'arrêter à cela et il le savait. C'est pourquoi il a décidé de tout quitter. Il a confié l'entreprise de feu son père à son plus proche collaborateur, et il est parti. Juste comme ça.
Il avait de l'argent de côté au point de pouvoir en jeter par la fenêtre s'il n'avait pas été si radin, il a donc pu voyager deux années durant sans s'en inquiéter.
Alors qu'il commençait à désespérer de mener à bien sa quête un jour, l'espoir lui est de renouveau tombé dessus. Il a rencontré, dans un coin sombre d'un village où il pavanait depuis quelques jours, un nécromancien. La discussion a été houleuse, longue. Leopoldo lui a promis de l'argent, beaucoup d'argent et il est parvenu à ses fins : deux semaines plus tard, il était transféré dans un nouveau corps. Pour deux ans, selon le contrat et ensuite ... et bien, ensuite il ne savait pas ce qui lui arriverait. Mais à ce moment-là, ça n'avait pas la moindre importance pour lui. Pas la moindre.
third life
Les deux années suivantes furent, pour Leopoldo - devenu Enzo - les meilleures de sa vie. Et elles le sont toujours aujourd'hui, près de quatre-cent ans plus tard.
Il a découvert, enfin, ce que cela faisait d'avoir, en plus de l'argent à n'en plus pouvoir, un physique avantageux. Un physique, de toute évidence, attirant. Il a écumé tous les endroits plus ou moins fréquentables dans une zone assez restreinte autour du village où il avait trouvé le nécromancien. Il a découvert - ou redécouvert sous un nouveau jour - tous les plaisirs de la vie. Il a profité. Beaucoup trop profité.
Au point où, deux ans plus tard, le constat était clair : il n'avait plus d'argent. A peine de quoi se nourrir. Et à peine de quoi retourner auprès du nécromancien, à l'origine de son transfert de corps et auprès de qui il était censé retourner.
A court d'option, il a repris la route en direction du fameux village, et du fameux nécromancien. Il n'avait aucun autre endroit où aller, de toute évidence.
Alors il y est retourné. Et il ne s'est toujours pas fixé, aujourd'hui, sur la façon dont il aurait pu - et aurait dû - agir, à l'époque. Aurait-il pu trouver une autre solution que celle-là ? Aurait-il préféré à la mort à ce qui est survenu ensuite ?
Quoi qu'il en soit, il est trop tard pour revenir en arrière. Et, à l'époque, Enzo s'est contenté de faire ce qu'on lui avait demandé, par peur de perdre ce nouveau corps auquel il avait tant aspiré. Il n'aurait pas supporté de se retrouver l'ancien.
C'est à une femme très élégante que le nécromancien l'a présenté. Une femme plutôt grande, fine, pleine de prestance. Elle l'a observé longuement. Ses yeux lubriques ont parcouru l'ensemble de son corps plus d'une fois. Enzo qui, ces deux dernières années, avaient pourtant profité de ce genre d'appréciation de toute évidence positive sur son nouveau corps, s'est senti frisonner. Ce regard-là était différent. Il était ... Bestial. Inhumain.
Il s'est souvenu de ce qu'il avait lu, à l'époque où il cherchait une solution à son problème physiquement très désavantageux. Et il s'est rappelé d'un livre qui l'avait tout particulièrement marqué ... Un livre sur les forces obscures. Un livre qui avait, notamment traité d'un sujet en particulier. Les
vampires. Mais non, ce n'était pas possible ...
Hélas, les minutes qui ont suivi ont prouvé qu'il avait tort. Le visage de la femme, face à lui, s'est métamorphosé. Et elle est devenue ... autre chose. Elle ne l'a pas vidé de son sang. Elle s'est contentée de le transformer.
fourth life
Plus de deux cent ans passés à ses côtés. Plus de deux cent ans pour apprendre à chasser et à se comporter comme un être presque civilisé le reste du temps.
Pendant cette période, Enzo a beaucoup changé. En mieux, en pire, c'est difficile à dire ; mais il a changé. Énormément.
Il a beaucoup voyagé, aux bras de celle qui l'avait transformé, Dieu seul sait pourquoi. Enzo, au départ, voulait partir loin d'elle. Et puis, finalement, il a su tirer avantage de cette histoire. Elle lui plaisait bien, cette jeune vampire. Elle lui plaisait bien, cette nouvelle vie. Et puis, surtout, il avait de nouvelles capacités à apprivoiser, une vie à reconstruire avant de pouvoir voler de ses propres ailes et profiter pleinement de ce que sa condition de vampire pouvait lui apporter. Et il était pauvre comme un sou, au début de cette nouvelle vie.
Alors il est resté à ses côtés. Il a été formé à sa nouvelle condition, à toutes les conséquences que celle-ci engendrait. Il s'est montré plus malin que son mentor et a laissé s'écouler les années sans jamais se plaindre ou dire quoi que ce soit.
C'est pendant ce temps-là qu'il a appris à devenir quelqu'un d'autre. Il a appris à la fermer plus souvent. Il a appris à se montrer plus distant, plus froid que jamais sans pour autant être désagréable. Il a appris la politesse, la courtoisie.
Et en 1 730, il était une nouvelle personne. Prêt à affronter la vie seul.
Sa mentor n'aurait pas pu être de cet avis, il le savait ; il l'a donc réduite en poussière au moment où elle s'y attendait le moins.
Ils étaient à Paris depuis quelques mois, quand cela est arrivé. Ils y avaient élu domicile. Et, dans son coin, sans jamais lui faire part de ses plans ou de ses projets, Enzo a monté une firme à Paris. Celle-ci a beaucoup évolué, depuis, il a fait en sorte de toujours la diriger dans l'ombre pour ne pas être démasquée. Mais elle est toujours là et c'est, à l'époque, ce qui lui a permis de se soustraire à cette vie qui ne le satisfaisait pas pleinement.
Comme il avait acquis des capacités supplémentaires en plus d'une toute nouvelle mentalité dans un corps beaucoup plus avantageux que celui qu'il avait autrefois - et dont il s'était empressé de rayer tout souvenir -, il a pu parvenir à ses fins. Et il l'a tuée. Juste comme ça.
Des années durant, il a donc voyagé totalement seul. Il est retourné dans son pays d'origine, et a fait des recherches sur la famille De Santis. Il a cherché des descendants, des personnes à blâmer, des personnes à tuer.
Il n'y avait plus grand monde, là-bas. Mais il a réussit à trouver de vagues héritiers de la famille. Et il les a exterminés. Tous ceux qu'il a pu atteindre. Ce n'est qu'en 1 989 qu'il a décidé de retourner à Paris. Pour ses affaires, mais aussi parce que c'est là qu'est la plus grosse bouche de l'Enfer. Et cela, seul, est déjà très avantageux pour lui.