THEME SONG - NOLAN
FALLIN'«
Ne lâche pas. »
«
Nolan, s’il te plait. »
«
Ne lâche pas ! »
«
On avait prédit ce moment. »
«
S’il te plait ! »
«
Je t’aime. »
«
Nolan ! »
† † †1845. Le portail s’est refermé sans avoir aucun moyen de le tracer et il a lâché sa main. La dernière chose qu’il a vu d’
Elle, ce sont les larmes qui roulaient sur ses joues, s’échappant de ses prunelles émeraudes et profondes. Dévastatrices. Meurtrissure du cœur. Ils avaient pourtant tout prévu et tout ficelé, il ne restait plus qu’à mettre leur plan à exécution. Ils étaient si proches du but, si proches de mettre la main sur ce qu’ils cherchaient depuis déjà plusieurs mois. Mais aujourd’hui tout était gâché, et ne restait de ce secret, cette
carte secrète, que les tatouages ornant leurs corps respectifs.
Car l’un ne va pas sans l’autre. Telle en est la devise. Tel en est le secret que Wolfram&Hart ne trouvera jamais.
La pluie battante qui s’abat sur les terres du pays de Galles est sans appel, imprenable et intarissable. De tout son déluge elle surplombe les Hommes et les Démons qui se trouvent sur son passage. Sournoise, elle ruisselle le long de leurs joues, se coince au bord des cils avant de s’effondrer en gouttes dans la terre formant à présent une épaisse masse de boue. A peine le portail refermé, il s’est senti être tiré en arrière. Son pied ricoche, glisse, et
Nolan doit se faire violence pour ne pas chuter de tout son long. C’est d’un geste rapide qu’il retire les bras des manches de sa veste pour s’en séparer et profiter de la surprise pour échapper à leurs griffes. Il prend appui sur sa jambe, exerce une impulsion et s’apprête à courir quand le poing humide vient férocement à la rencontre de son menton, l’obligeant à se mordre la langue au passage. Par la violence du choc, le demi-démon se sent partir de côté, ses mains et ses genoux s’enfonçant dans la terre visqueuse. Le liquide carmin perle aux coins de ses lèvres et il crache, quand même alors la pluie l’empêche de voir plus loin que les silhouettes noires et difformes venant l’entourer.
«
Qu’est-ce que tu vas faire maintenant, Wheeler ? ».
La voix résonne, comme sortie d’outre-tombe. Un très vieil
ami. Celui qui n’a eu de cesse de les traquer depuis plusieurs années. Il sait que lui et sa femme ont W&H en horreur et ont fait les pires crasses possibles. Il sait qu’ils ont déjoué des plans qui auraient pu tout révolutionner. Ce très vieil
ami a
Nolan dans le collimateur et il est du genre à ne reculer devant rien. Sa poigne de fer vient attraper les mèches châtains clairs complètement trempées par la pluie et le demi-démon serre les dents sans émettre un seul grognement. Il ne veut pas lui répondre, il n’a absolument rien à lui dire. Pris au piège sans pouvoir reculer ou disparaître, il ne le devine que trop bien. Comme il lui a dit, à
Elle, ils se sont préparés à cela. Ils l’ont prédit et en soi, c’était inévitable. Sans même prendre la peine de regarder celui qui l’oblige à redresser la tête, Nolan sait que leur course s’arrête ici. Temporairement. Car tôt ou tard, la chasse reprendra. Il le sent au fond de ses tripes. Wolfram&Hart s’en mordra les doigts.
Alors il se sent une nouvelle être fois être tiré en arrière, obligé de se redresser sur ses genoux. Sa main pleine de boue vient se plaquer contre celle qui empoigne toujours sa tignasse et il n’offre à ses compagnons d’infortune du soir qu’un lourd regard. De clairsemées ses prunelles deviennent braises incandescentes, sa peau se ternie et brûle presque sur elle-même, mais un bras passe autour de son cou, l’enserre avec rage et détermination. Il sent la seringue pénétrer sa chair qui noircie encore, sent le liquide se répandre dans tout son corps. Puis tout s’avale, tout disparait et trépasse. Il n’y a plus que le noir et cette dernière image de silhouettes difformes sous la pluie battante.
BREATHIN'«
Nolan ». «
Nolan. ». Un rire. Une promesse. Un lourd silence. «
Que ferai-je si jamais ils te tuent ? »
Il ouvre les yeux dans une immense prise de bouffée d’air tandis que son dos se détache du matelas dans un geste brusque. Il respire comme si l’air lui avait manqué pendant de trop longues minutes. Sa poitrine se lève et s’affaisse au rythme de sa panique et de son angoisse, paupières papillonnant, aveuglé par l’effroyable lumière qui lui fouette le visage. Son corps tremble de froid sous la chemise d’un blanc immaculé et il détourne les yeux pour observer l’ensemble de la pièce. Tout. Partout. Il ne sait pas. Il ne sait plus. Alors seulement Il arrive dans la pièce, ses habits noirs tranchant de netteté avec le blanc de ces murs à peine effleurés. De ce lit, le demi-démon veut en sortir mais c’est la panique qui le cloue sur place et le terrasse. Dans ses yeux il n’y a que le néant et le vide de l’angoisse.
«
Comment vous vous appelez ? ».
Ses paupières papillonnent et il sent ses prunelles s’écarquiller un peu plus. Désespoir et néant. Il n’y a que ça. Aucune pensée, aucune image dans son conscient et subconscient. Juste celle qu’il imprime aujourd’hui.
«
Je… Je ne sais pas. »
L’horreur éclate, effroyable et impitoyable. Alors seulement mains dans les poches Il lui sourit. Ce
très vieil ami.
† † †Le miroir lui renvoie une image qu’il ne connait pas.
Grant Hopper Wheeler. C’est le nom qui figure sur le bracelet qui orne encore son poignet. Un vulgaire morceau de plastique. D’origines anglaises, lui a-t-on dit, mais il a très récemment décidé de tout plaquer pour venir vivre en France. Il ne se souvient de rien, absolument rien, mais certains réflexes semblent avoir été conservés, dont celui de parler français. Avec un accent, certes. Mais il réussit à le parler tout de même, ils ont fait le test. Ca, son cerveau ne l’a pas oublié. Ainsi posé devant son miroir, Grant observe les marques noires qui ornent l’ensemble de son corps, du cou jusqu’à ses chevilles. Il en ignore leur teneur ou leurs significations, tout comme il ignore d’où vient cette cicatrice qui descend sur un côté de son visage. De son arcade à sa joue. Il a beau chercher, se concentrer, absolument rien ne lui revient. Même ces souvenirs qu’on lui a raconté, ce métier qu’on lui dit posséder, il ne s’en souvient pas. Comment peut-il juste être ce qu’il est s’il ne se sent pas à sa place, ici ? L’obscurité de la chambre ne le gêne pas outre mesure si ce n’est le son de la pluie battante à ses fenêtres. Dans un claquement plus violent, Grant sursaute et tourne la tête. Ce n’est que le bruit tonitruant de son volet qui claque, balayé par l’eau et le vent. Un éclair illumine le ciel et l’orage éclate pendant que le silence règne en force dans son appartement.
Qui est-il ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Il veut comprendre. Il veut comprendre et son poing vient s’écraser sur le miroir au même instant où la foudre fait trembler les murs.
Quelque chose cloche, il ne se sent pas à sa place et c’est bien là tout le fond du problème. La foudre craque une nouvelle fois mais il a déjà quitté la salle de bain, enfilant un simple T-shirt et sa veste à capuche. Les marches sont descendues quatre à quatre et en un rien de temps le voilà qui se retrouve à errer dans les rues Parisiennes sous la pluie battante.
Nolan, dis-moi. Que ferai-je si jamais ils te tuent ? L’orage gronde et un éclair marque le ciel obscur.
Tu te souviens de cette cicatrice ? – sa main caresse sa joue et effleure la strie du bout de ses doigts froids – Tu as voulu faire le paon devant l’un de ces ignobles qui nous prenaient en chasse mais il a bien failli nous attraper. Le plus ignoble de tous. Tu lui as laissé une brûlure en souvenir alors que l’on passait déjà dans notre dimension, mais Il… - Il la coupe, un sourire aux lèvres - … Il a juste eu le temps d’envoyer un éclair dans ma direction. Et ça a donné… Ca. – Les doigts froids redescendent alors le long de sa joue pour venir effleurer ses lèvres et sans attendre davantage, Elle l’embrasse. Il rouvre les yeux et sursaute tandis que la foudre fait une nouvelle fois vrombir les murs des habitations alentours. Tout le monde est sagement réfugié chez lui, attendant que le mauvais temps finisse par se calmer et ne plus faire un seul bruit. Trempé, c’est d’un geste rapide qu’il referme un peu plus la capuche autour de son visage défait. Rien ne lui revient, ni ces rues qu’il arpente, ni le son de cette voix qui s’échappe de ses propres lèvres. Pas même alors ce que c’est que… Vivre. Tout est flou, abstrait, et doit être appris à nouveau. Grant tourne à l’angle d’une ruelle, s’enfonce dans l’obscurité sous une pluie à présent diluvienne, bon gré mal gré le vent qui s’engouffre entre les failles de sa veste humide. Il pourrait fuir, chercher des points de repères dans sa profonde Angleterre puisqu’il en est originaire, mais à peine fait-il un pas de plus que tout s’arrête et se fige.
«
Qu’est-ce que tu vas faire maintenant, Wheeler ? ».
L’un de ses sourcils se hausse, par réflexe mais rien ne lui revient en mémoire. Il a juste la très légère impression d’un déjà vu mais…
«
Tu ne devrais pas rester dehors par ce temps, Dieu seul sait ce qui pourrait arriver. Viens, je te ramène et on pourra discuter autour d’un verre. »
Il voudrait refuser mais ce ne serait pas une bonne idée. Que peut-il faire de plus à cet instant si ce n’est écouter ? Penchant la tête sur le côté, mains dans les poches, Grant s’avance et entame la marche.
Il en profite pour lui adresser un fin sourire, sa main passant rapidement sur l’épaule du demi-démon, une brûlure au creux de la paume.
FIGHTIN'THEME SONG - GRANT«
… Par conséquent la complicité de Monsieur Jefferson dans notre affaire ne peut être confirmée sous faute de preuves. La justice ne sera donc pas en mesure de se prononcer. This is a dead end. »
Ils savent tous qu’il a raison. Wheeler a rarement tort dans ce genre de situation, quand bien même il ne puisse jouer à chaque fois la carte du défaut de preuve dès lors que les affaires impliquent des êtres véreux jusqu’à la moelle. Il se doit toutefois de faire le maximum pour protéger les intérêts de W&H, et c’est ce qu’il fait, depuis cent quarante-cinq années passées à leur service. Ils sont satisfaits. Jamais ils n’auraient pensé que leur plan machiavélique fonctionnerait à merveille sur ce demi-démon aux attitudes plus que revêches. Regardez-le aujourd’hui. Propre sur lui, appliqué et ardu dans les missions qui lui sont confiées. Un espion démoniaque organisé qui ne recule jamais, qu’il s’agisse d’espionner une pauvre âme humaine qui n’aurait pas payé, un vampire un peu trop ravagé, ou qu’il s’agisse encore de protéger les êtres les plus ignobles qui soient. Un véritable atout supplémentaire pour le cabinet le plus pourri de toutes les dimensions confondues.
Assis à son bureau au sein de la DGSE, Grant triture un morceau de plastique à l’abri des regards et des caméras qui filment sans relâche tous les recoins de l’édifice. Cent quarante-cinq ans aujourd’hui depuis qu’il s’est réveillé, comme tout droit sorti d’entre les morts. Un simple accident qui aurait pu lui coûter beaucoup plus que sa mémoire, mais les raisons sonnent encore floues à l’heure qu’il est. Il ne sait véritablement pourquoi il a gardé ce bracelet portant son nom pendant toutes ces années, mais l’heure est venue pour lui de s’en débarrasser. Sa vie passée ne reviendra jamais. Il ne garde en mémoire que les souvenirs qu’il s’est lui-même créé au fil des ans. Demi-démon, appliqué au sein de Wolfram&Hart qui lui a donné sa chance. Faire ses preuves malgré cette part d’humanité laissée par son père.
Son père, un démon d’excellence à ce qu’il se murmurait dans certains couloirs. Ce qu’on a voulu lui faire croire en réalité. A présent tous les mensonges ont été gobés.
Ses doigts enserrent le bracelet et il le fourre dans sa poche, enfile sa veste et se dirige lentement vers la sortie du bâtiment avec toute la froideur dont il est dorénavant capable. Certains le saluent sur son passage, d’autres se contentent de baisser les yeux. S’il n’est pas infaillible, l’on sait pertinemment que Grant peut se révéler dangereux. C’est sans un mot qu’il quitte les lieux, déposant au passage dans un container d’une ruelle adjacente le fameux morceau de plastique sur lequel on peut y lire un
Grant Hopper Wheeler en lettres rouges.
Mais il suffit parfois d'un seul éclat, pour que tout rejaillisse à la surface...