L'endiablée ✚ Mina. ( Terminée)

Le pouvoir ... Ah, le pouvoir. Il frétille sur ma langue. Il s'insinue dans mes veines. Il me picote le bout des doigts. Le pouvoir de retirer une vie. Le pouvoir d'achever un être par ma toute puissance. J'aime cette force qui me permet de soulever trois hommes sans sourciller. Sentir leur eau de vie sous ma langue, savoir que je contrôle leur chance infime de garder la vie. Craquera, craquera pas ? Leurs os sous mes doigts ne sont que de vulgaires brindilles. Tel un courant d'air, je peux me soustraire de leurs visions.

Wilhelmina possède un caractère fort peu commode. Une véritable tornade volcanique. Bonne vivante, foncièrement égoïste et dotée d'une morale extrêmement douteuse. Ses opinions divergent à tel point qu'on ne peut jamais savoir à quoi s'attendre. Un camp ? Elle ne choisit que ses propres intérêts. Ce qui peut, parfois, mener à des situations particulièrement inattendus. Il est rare de saisir une parcelle de fidélité dans le regard de la garce. Généralement, sa confiance est si peu attribuée à ceux qui l'entourent, qu'elle est capable des pires trahisons ! Mais, à de rares occasions, son attachement tordu peut se tourner vers un individu inattendu. Et, dans ces rares occasions, cette dernière peut se montrer particulièrement protectrice et virulente. Elle possède néanmoins le sadisme légendaire de ses congénères, non sans l'exploiter d'une manière plutôt déroutante. Mina est incroyablement maniérée, maniaque et passionnée. Et surtout passionnée de mode. Elle est incroyablement vénale et obsédée par l'argent. Vivre une vie de luxure est tout qui l'intéresse. Tel un félin paresseux se complaisant dans son confort douillet. Une vraie diva !

- 1 590 - Naissance.
- 1 591 à 1615 - Wilhelmina mène une vie de bourgeoisie banale et ennuyeuse. Néanmoins, elle exècre la plupart de ses consœurs qu'elle traite souvent de poules arriérées et ne veut pas se plier aux règles du mariage. Ses parents, n'en pouvant plus d'avoir une fille - unique, par-dessus le marché - de 26 ans toujours célibataire et dépendante de leur fortune, décident de la fiancer de force à un parfait inconnu.
- 1 616 - Mina est présentée à son pire cauchemar.
- 1 616 - La même année, elle fait la rencontre d'un homme étrange portant le nom de Marius. Mina a alors 27 ans. Et son mariage arrangé approche à grands pas, à sa grande horreur.
- 1 617 - L'année du mariage. Wilhelmina ne fait pas son apparition et laisse son fiancé seul à l'autel. N'en pouvant de cette vie de servitude où les femmes n'ont plus le choix. Elle prend la poudre d'escampette avec Marius. La même année, Wilhelmina découvre la véritable nature de ce dernier. Et au lieu de prendre peur de vouloir prendre la fuite, cette dernière se laisse embarquer dans une vie de richesse, de débauche et de passion. Non sans réclamer l'immortalité à son amant.
-1 625 - Il lui faudra attendre ses 35 ans, pour que Marius accepte enfin de la mordre et de la transformer. En vérité, la tuberculose qui condamnait Mina fut la seule véritable raison de sa transformation.


Mes doigts de ma main droite tapotent machinalement contre le bois de mon accoudoir. Mon index frôlant mes lèvres tandis que mes prunelles observent froidement celui qui me fait face. Jambes croisées, j’inspire longuement, mes ongles parfaitement manucurés frappant le bois. Tac, tac, tac, tac. Index, majeur, annulaire, auriculaire. Je sens l’angoisse dans les veines de mon client, l’impuissance qui s’insinue dans ses veines pour grimper jusqu’à son cerveau. Il est coincé. Il soupire longuement, ses prunelles peinant à ne pas plonger droit dans mon décolleté. Pendant ce petit manège, mes lippes ne s’ouvrent pas une seule fois. J’observe ma robe, la plisse délicatement et fixe mes ongles impeccables. Le silence est d’or dans mon bureau aussi épuré que ma galerie. A travers la vitre de ma porte, j’observe mon employée qui s’agite avec un nouveau client. L’Art à Paris. Aussi prolifique, voir peut-être même plus qu’en Italie. Les français en raffolent, et les bourgeois plus encore. Le plus compliqué, parfois, est de faire comprendre à certains bonhommes – comme celui qui se tient juste face à moi - que tourner autour du pot ne sert à rien.

Ce petit humain méprisable, exécrable. Tellement banale. Il n’a rien d’intéressant si ce n’est un portefeuille bien fourni. Il n’est ni séduisant, ni charismatique, ni intellectuellement plaisant. Rien chez lui ne donne envie d’éterniser l’affaire. Mais j’ai l’habitude d’user de mes charmes face aux plus sensibles. Même devant certaines femmes, tout en sachant que ces dernières ne m’intéressent qu’au-dessus de l’entre-jambes. C’est-à-dire, le portefeuille, encore et toujours. Lorsque je sens que ce pauvre homme n’en peut plus, je décroise les jambes, frôlant ‘accidentellement’ les siennes avant de me pencher sur le bureau. Dévoilant ainsi la ligne délicate de mes deux seins se touchant, serrés dans mon soutien-gorge. Un sourire éclatant étire mes lèvres, tandis que je papillonne des cils.

« - Monsieur Marchand … Vous venez ici chaque jour pour admirer cette toile. Non seulement vous soutiendrez l’artiste, mais vous ravirez votre femme et … Vos invités. Imaginez-les un peu, admirant cette œuvre aussi atypique, dérangeante et magnifique. C’est ce que vouliez, n’est-ce pas ?

L’avarice dans son regard, je la sens comme le sang qui bat dans ses veines. Quelques minutes plus tard et après des semaines à le voir hésiter, ce gros lard signe enfin son fichu chèque. Je sais au moins que je ne risque pas de le voir avant des mois. Pas après avoir déversé plus de 200 000 francs pour une œuvre de qualité plutôt moyenne, pour être parfaitement honnête. Lorsqu’il ferme enfin la porte de la boutique, je me détourne tout en lâchant un soupire soulagé.

- Ben mon vieux, c’pas trop tôt. Y commençait à me gonfler», je lâche avec mon français à l'accent parfait.

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