I need your help (Elkaline)

Ces derniers temps, Tom et Sarah passaient de moins en moins de temps chez eux. Elle les avait même entendu discuter l’autre soir. Ils avaient peur. Peur d’elle. C’était assez drôle en vérité. Elle avait seulement eu besoin de bouger des objets à distance dans l’appartement, de déplacer des affaires, d’écrire des mots sur les miroirs pour déclencher de véritables cauchemars chez les occupants. C’était peut-être mesquin, mais ils étaient chez elle, et elle leur en voulait pour ça. Et puis, on ne pouvait pas dire qu’elle avait le choix en matière d’occupation. Sans compter qu’elle ne blessait personne. En leur absence, elle était plus libre d’évoluer dans l’appartement à sa guise. Seule. De toute manière, elle se sentait toujours seule. Dans ces moments là, elle se réfugiait dans une penderie où elle avait dissimulé une boîte avec quelques affaires de Sam qu’elle avait pu subtiliser juste avant le déménagement. Des choses sans importance, qu’il avait laissées derrière lui. C’était idiot, sans doute, mais elle aimait ces babioles. Certaines lui rappelaient même les moments où elle était en vie, où ils étaient heureux. Il y en avait d’autres qu’elle ne connaissait pas. Ce jour là, elle prit un de ses livres, une vieille édition des Misérables qu’il n’avait même pas dû ouvrir. Elle le feuilleta rapidement et s’arrêta en voyant un morceau de papier tomber des pages.

En fait de morceau de papier, il s’agissait d’une carte de visite, au nom d’un certain Elkan J. Devos, détective de son état. Que son mari ait pu contacter un détective la surprenait réellement. Que cherchait-il ? Et surtout, pourquoi le lui avait-il caché ? Mais d’un autre côté, c’était aussi une opportunité. Cet homme connaissait Samuel. Il devait avoir des informations sur lui, peut-être même un fichier, quelque chose, n’importe quoi qui lui permettrait de localiser l’homme qu’elle aimait. Donc, elle devait voir cet Elkan, ou plutôt son lieu de travail. L’adresse lui était inconnue, mais elle pensait savoir où elle se localisait.

Elle avait peur d’aller à l’extérieur. Très peur même. Mais à l’idée de passer à côté de cette opportunité, son coeur se serra. Elle regarda une fois de plus la carte de visite. En était-elle seulement capable ? Il fallait qu’elle essaie, elle n’avait pas le choix. Elle n’était pas très sûre de la manière dont elle devait procéder, donc elle fit ce qui lui semblait le plus logique : elle ferma les yeux et se concentra aussi fort qu’elle le pouvait sur l’adresse inscrite.

Elle n’était pas certaine que les choses aient fonctionné. Elle osait à peine ouvrir les yeux. Lorsqu’elle le fit, tout avait changé. Elle était un peu en dehors de Paris, le décor était plus calme. Elle se trouvait face à une grande maison qui ne ressemblait en rien aux appartements parisiens, et c’était un agréable changement. Elle se sentait particulièrement vulnérable à l’idée d’être en-dehors de chez elle, mais se rappeler de son objectif l’aida à retrouver un peu de courage. Elle regarda de tous les côtés. Pas de voiture devant. Il semblait n’y avoir personne dans la maison. Elle en fut rassurée. Même si elle savait que personne ne pouvait la voir, elle préférait tout de même agir en toute tranquillité. Il fallait qu’elle entre, qu’elle fasse ce qu’elle avait à faire. Elle prit une profonde inspiration et disparut, pour réapparaître à l’intérieur de la maison.

Elle ne s’était pas attendue à ça. Sans doute imprégnée de clichés, elle voyait plutôt un petit espace poussiéreux et désordonné. Rien de tout ça ici. L’accueil dans lequel elle se trouvait était meublé à avec goût et possédait une agréable disposition. Tout en traversant la pièce, elle songea que c’était le genre de demeure dont elle aurait rêvé, à la place de cet appartement horriblement cher et extravagant que Sam avait choisi. Bon, peut-être avec une décoration dans un style lui rappelant un peu moins les magazines, mais sinon c’était parfait. Les affaires devaient marcher plutôt bien. Elle repéra une sorte d’armoire qu’elle ouvrit. Celle-ci contenait de nombreux dossiers, mais un rapide coup d’oeil ne lui apporta rien de satisfaisant. Sans prendre le soin de refermer le meuble, elle se dirigea vers la porte du fond, qui s’ouvrait sur un bureau.

Sa curiosité la poussa à se diriger directement vers les tiroirs qui étaient fermés à clefs. Les serrures n’offrirent aucune résistance à son pouvoir et s’ouvrirent instantanément. Elle commença à fouiller, puis se prit peu à peu au jeu. Pourquoi utiliser seulement ses mains alors qu’elle avait la possibilité de faire bouger les choses à distance ? Quelques minutes plus tard, les feuilles et dossiers défilaient dans les airs, tandis qu’elle jetait des coups d’oeil de parts et d’autres, malheureusement sans grand succès.

C’est alors qu’elle entendit clairement la porte d’entrée claquer. Son sang se glaça. Du moins, il se serait glacé, si elle en avait encore. Essayant tant bien que mal d’imiter Mary Poppins, elle tâcha de tout ranger à la vitesse de l’éclair. Malheureusement, elle n’était pas aussi douée que la célèbre gouvernante, et ne parvint pas en un laps de temps si court à remettre chaque chose à sa place. Tant pis, peut-être qu’il ne remarquerait rien. Bien sûr…
Consciente de n’avoir que très peu de temps, elle se précipita dans la grande armoire en face du bureau pour s’y cacher. Avant de réaliser à quel point c’était stupide, puisque de toute façon, elle était invisible. Peu importait, elle avait trop peur pour sortir. D’ailleurs, la porte de la petite pièce s’ouvrait…

Si tu parviens à rester immobile pendant une minute, il ne te trouvera pas.

C’était le genre de jeux auxquels elle jouait depuis l’enfance, à chaque fois qu’elle se retrouvait dans une situation qui lui posait problème. Si tu marches sans poser le pied sur les lignes du trottoir, tu auras une bonne note à ce contrôle. Si tu reçois un appel dans les dix minutes qui viennent, tu seras reçue en école d’infirmière. Cette fois-ci, elle jouait le même jeu, mais c’était la peur qui la motivait. Une peur qu’elle savait pourtant absurde. Il n’y avait aucune chance pour qu’il la voie. Peut-être même aurait-elle dû s’évaporer immédiatement, histoire d’être tranquille. Mais elle ne le pouvait pas. Elle était ici pour une raison précise, et de toute manière elle se sentait figée sur place. Elle n’entendait plus que le son de ses pas qui se rapprochaient, pour finalement entrer dans le bureau.

S’il n’était pas complètement idiot, il était évident qu’il se rendrait rapidement compte que son bureau était dans un état pas possible. Elle se mit à paniquer en songeant qu’il pourrait éventuellement appeler la police. Avec les forces de l’ordre dans les parages, il lui serait impossible de faire des recherches plus poussées. Il fallait qu’il s’en aille, mais elle ne savait absolument pas comment l’y inciter. A l’écoute, elle n’entendait rien de plus que des frottements de tissus et comme des tiroirs qu’on ouvrait et qu’on fermait. Aucune exclamation de fureur, ni usage apparent d’un téléphone. S’il avait remarqué que quelqu’un avait pénétré son bureau, il n’en laissait rien paraître. Etrange. Elle était de plus en plus intriguée, mais également de plus en plus mal à l’aise. Lorsqu’il se dirigea vers l’armoire où elle était dissimulée, elle crut un instant être sur le point de s’évanouir. Il ouvrit la porte et…

Rien du tout.

Elle découvrit face à elle un homme qui ne la voyait pas. En constatant ce fait, elle se sentit assez stupide, mais se détendit suffisamment pour pouvoir l’observer en détail. Bien fait de sa personne, c’était certain. Une sorte de géant, même pour elle qui était plutôt grande. S’il était le fameux Elkan, ce n’était pas vraiment ainsi qu’elle l’avait imaginé. D’ailleurs elle n’imaginait pas grand chose.

Lorsqu’il avança la main dans sa direction, elle ne s’inquiéta pas outre mesure. Elle ne s’attendait évidemment pas à ce que cette main entre directement en contact avec sa poitrine. Elle en fut si stupéfaite qu’elle demeura interdite durant quelques instants. Elle le regardait. Il la regardait. Elle regardait sa main. Puis, recouvrant soudainement ses esprits, elle afficha un regard furieux, avant de lui administrer une gifle magistrale.

« NON MAIS CA VA PAS !!! Espèce de sale pervers !! »

Tout ceci avait eu l’avantage de faire fondre sa peur comme neige au soleil, la remplaçant par de la colère. Sans réfléchir, elle attrapa l’un des dossiers qui trainait dans l’armoire et le lui lança à la figure. Elle en attrapa un deuxième qu’elle s’apprêtait à lancer de nouveau, quand soudain la réalité la frappa elle aussi de plein fouet.

« Vous pouvez me toucher… »

Elle profita de la distance qui s’était instaurée entre eux pour s’extirper du meuble et se précipiter vers le bureau. Elle y attrapa un coupe-papier, seul objet qu’elle ait pu trouver pour faire office d’arme et le pointa vers lui.

« N… ne m’approchez pas ! Sinon je… je jetterai une malédiction sur vous… et toute votre famille ! »

Elle n’était pas certaine d’être en mesure de le faire, et surtout elle n’était pas si sûre d’elle qu’elle l’avait pensé, dans le rôle du fantôme effrayant. Elle ne savait pas ce qu’il se passait, et ne pouvait qu’espérer que ses menaces suffiraient pour qu’il soit dissuadé de l’approcher.

Alors qu’elle se trouvait emportée par sa colère, une petite partie d’elle tentait de la freiner. Elle ne s’énervait que rarement, avant. Bien sûr, il lui arrivait d’exploser, mais c’était rare et toujours lorsqu’elle était arrivée à un point où elle n’en pouvait plus. Depuis sa mort, elle se laissait emporter par ses émotions de manière presque effrayante. Sa colère en particulier pouvait être particulièrement virulente, mais c’était la première fois qu’elle l’exprimait de la sorte, sans doute parce que c’était la première fois qu’elle se retrouvait dans une situation pareille depuis sa mort. Certes, ce genre de contact lui manquait, mais certainement pas comme ça et de la part d’un étranger ! Et voilà qu’à présent elle se retrouvait à le menacer avec un coupe-papier. Si elle avait observé la scène de l’extérieur, elle se serait très certainement trouvée ridicule. Le fait est qu’elle avait peur. Davantage de la situation que de lui. Elle ne comprenait pas.

Il ne semblait pas réagir. Il n’avait visiblement absolument pas peur d’elle, mais ne semblait pas avoir l’intention de lui faire du mal non plus, et peu à peu elle commença à se calmer. Le récit de la situation qu’il lui fit acheva de la remettre à sa place. Elle n’était toujours pas rassurée, mais elle devait bien admettre qu’il n’avait pas tort. Elle finit par baisser son bras, mais sans lâcher son arme pour autant.

« Bon… peut-être que je n’aurais pas dû c’est vrai… Sauf pour la gifle, c’est vous qui m’avez tripotée que je sache ! » Elle releva légèrement le bras à ces dernières paroles tout en le fusillant du regard. « Et puis vous exagérez, je n’ai pas mis à sac votre… »

Elle s’interrompit en jetant un regard circulaire sur la pièce. Bon, d’accord, elle avait peut-être fait fort. Mais elle rangerait ! Bien qu’elle n’ait aucune idée de la manière dont il classait ses papiers. Elle était bien trop occupée à chercher les informations qu’elle souhaitait pour y faire attention. C’est alors qu’elle remarqua le sourire persistant du blond, qui eut plus tendance à l’agacer qu’autre chose.

« Est-ce que vous vous moquez de moi ? »

Il la mettait mal à l’aise, mais à présent c’était plutôt la manière dont il la regardait. Sans doute car elle n’avait plus l’habitude d’être regardée par qui que ce soit, de quelque manière que ce soit. D’autant plus qu’il avait l’air particulièrement amusé de la situation, qui n’avait selon elle rien d’amusante.

« Non je ne bois pas. Et vous ne devriez pas non plus, vous sentez l’alcool d’ici. »

Ca ne la regardait sans doute pas, mais ses vieux réflexes d’infirmière ressortaient. Elle soupira et finit par reposer le coupe-papier sur la table. Puis, lentement, elle osa s’approcher. Il fallait qu’elle se souvienne ce pourquoi elle était venue. Elle ne savait pas vraiment ce qu’il se passait. Elle ne savait pas pourquoi elle était visible à ses yeux, pourquoi il pouvait la toucher. Cette situation lui semblait surréaliste. Elle prit une inspiration et sortit la carte de visite du détective de sa poche.

« Je suis ici parce que j’ai besoin d’aide… pour retrouver quelqu’un. Il s’agit de mon mari. » Ancien mari. La mort les avait séparés, après tout. « J’ai retrouvé cette carte dans ses affaires. C’est bien vous, n’est-ce pas ? »

Elle lui tendit en même temps le bout de papier. Elle présumait qu’il était bien Elkan Devos. Elle se sentait réellement tendue. Elle se rendait compte qu’elle le regardait un peu trop fixement, mais ne pouvait pas s’en empêcher. Elle prit soudain la décision de briser la glace en évoquant l’énorme éléphant qui se trouvait dans la pièce.

« Excusez-moi mais… pourquoi vous pouvez me voir ? Personne ne peut me voir… encore moins me toucher d’ailleurs. » Elle fut alors prise d’un affreux doute. « Vous savez que je… enfin, ce que je suis, n’est-ce pas ? »

Il valait mieux pour elle. Parce que s’il l’ignorait, elle allait avoir droit à son lot de questions embarrassantes…

Bien sûr qu’il se moquait d’elle. Elle en était persuadée, elle le voyait à son petit sourire en coin. Néanmoins, elle choisit de ne plus rien lui lancer à la figure. Il ne fallait pas qu’elle oublie qu’elle avait besoin de lui. Des informations qu’il pourrait lui donner. Elle songea à Samuel. Elle était prête à tout pour le retrouver, y compris à ravaler sa fierté un bon coup face à un homme qui l’avait pelotée quelques secondes plus tôt. Et qui à présent lui riait pratiquement au nez. Il avait bien évidemment ignoré son conseil en se servant du whisky. Pas besoin d’être un génie pour voir qu’il avait visiblement un problème avec l’alcool. Fabuleux. D’un coup, elle ne fut plus du tout certaine qu’il était la personne qui pourrait l’aider. Il lui confirma son identité, mais son enthousiasme avait déjà nettement refroidi. Ce qui ne l’empêcha pas de frissonner en frôlant ses doigts lorsqu’il prit la carte. Etre touchée était une sensation qui lui semblait étrange désormais, et à laquelle elle avait du mal à s’habituer. Elle se recula de quelques pas et le regarda saisir son verre d’alcool. Elle ne lui ferait pas la leçon cependant, n’étant ni sa mère, ni sa soeur, ni sa petite amie. Mais elle ne cachait pas qu’elle désapprouvait.

Elle était bien plus intéressée par ce qu’il avait à dire au sujet de sa propre nature, et des raisons pour lesquelles il pouvait communiquer avec elle, et bien plus encore visiblement. Entendre son explication était vraiment… étrange. Très étrange. Surréaliste même. Et douloureux. C’était la première fois qu’elle entendait quelqu’un d’autre lui dire qu’elle était morte. Elle baissa les yeux. Elle le savait, bien sûr. Elle n’était pas complètement stupide. Mais entendre ces mots n’en étaient pas moins douloureux. La seconde d’après, ce fut le reste qui la préoccupa.

« Un nécro… quoi ? » Elle ne put s’empêcher de rire en comprenant ce que cela pouvait signifier. « Vous voulez dire que vous avez des genres de pouvoirs ? Vous rigolez ? »

Bien sûr qu’il plaisantait, tout simplement parce que ce genre de choses n’existait pas. Elle-même n’avait encore jamais rencontré d’autre fantôme. D’accord, ceux-ci existaient, mais elle ne croyait pas qu’il existe des humains qui étaient capables de les voir. Sauf que cet homme pouvait la voir. C’était un véritable casse-tête et elle n’y comprenait rien. Elle avait l’esprit ouvert, mais pas au point de croire n’importe quoi.

D’ailleurs, il la regardait avec un peu trop d’insistance. Elle avait même l’impression d’être une sorte de bête curieuse et c’était particulièrement désagréable. Elle finit par de nouveau se sentir très agacée.

« Vous pouvez arrêter de me regarder comme ça ? Vous voulez ma photo, peut-être ? »

Elle soupira. Il venait de s’excuser, il fallait manifestement qu’elle se détende un peu. Même si le fait qu’il ne l’ait pas fait exprès lui semblait un peu gros, mais bon, passons. Elle était prête à passer l’éponge, puisqu’il était susceptible de l’aider et que jusqu’à présent il ne s’était pas montré menaçant.

« Très bien, j’accepte vos excuses. Mais… vous n’avez vraiment aucune explication ? »

Elle avait du mal à dissimuler sa déception. Et son incompréhension. Jusqu’à présent, elle avait évité de trop réfléchir à ce sujet. Bien trop compliqué pour sa tête d’humaine. D’ex humaine. Aujourd’hui, elle s’y trouvait plus ou moins confrontée et ce n’était pas plaisant, loin de là. Au moins n’était-elle pas seule, même si ce Elkan n’était pas la première personne qu’elle aurait choisie. Elle disparut pour réapparaître, assise en tailleur sur le bureau cette fois-ci.

« Pouvez-vous m’aider ? A retrouver mon mari, je veux dire… » C’est alors qu’elle réalisa qu’un détail risquait de coincer. « Je ne peux pas vraiment vous payer… mais je peux peut-être vous rendre service, si vous avez besoin de quelque chose… »

Bon, il n’avait pas tort, il pouvait la voir. C’était donc que, peut-être, quelque chose lui échappait. Il n’empêche qu’elle avait beaucoup de mal à croire que qui que ce soit en ce monde puisse avoir des pouvoirs particuliers. Elle l’acceptait chez elle uniquement car la mort était bien l’une des seules choses qu’il était impossible d’expliquer, tout simplement parce que personne n’en était jamais revenu. Du moins, c’est ce qu’elle avait cru jusqu’à présent. Cependant, elle eut du mal à cacher sa déception lorsqu’il lui dit n’avoir aucune explication. Elle avait commencé à penser qu’il s’y connaissait sur le sujet, mais apparemment elle était un mystère pour lui aussi. Elle décida de ne pas insister, du moins pour le moment. Ce n’était pas pour ça qu’elle était venue le voir, mais pour qu’il l’aide à retrouver Sam. Elle avait réellement craint qu’il refuse en apprenant qu’elle n’avait pas de quoi le payer, aussi son visage s’éclaira d’un sourire lorsqu’elle apprit qu’il acceptait malgré tout.

« Merci ! Je vous promets que vous ne le regretterez pas ! »

Pour un peu, elle aurait pu le serrer dans ses bras, mais s’abstint. Ce n’était pas parce qu’elle était en manque de contact humain qu’elle devait se jeter au cou du premier venu. Premier qui pouvait la voir et la toucher. En d’autres circonstances elle se serait inquiétée d’une éventuelle contrepartie, mais sur le moment elle l’oublia très rapidement, ne pensant plus qu’à ce qui allait se passer désormais. C’était la première fois depuis des mois qu’elle envisageait les choses en terme d’avenir.

« C’est tout ce que je souhaite ! »

Elle s’emballait sans doute un peu trop, mais refusait de voir les choses du mauvais côté. Malheureusement, le détective ne sembla pas l’entendre de cette oreille et lui présenta un discours qui la fit rapidement redescendre sur Terre. Elle se trouva nettement refroidie et son enthousiasme disparut complètement. Elle n’aimait pas particulièrement l’entendre. Pas du tout même. Mais étant donné qu’il venait d’accepter de l’aider sans être payé, elle choisit de prendre des gants et de lui dire ce qu’il voulait entendre.

« Je sais bien que je suis morte. Je veux seulement le retrouver. Le voir… m’assurer qu’il va bien. Rien de plus. » Elle ajouta en un murmure « De toute façon il ne pourrait sans doute pas me voir… »

Ce n’était qu’une demi-vérité. Ni totalement faux, ni totalement vrai. En réalité, elle n’avait pas réfléchi au-delà des recherches. Mais dire qu’elle n’avait pas fantasmé sur d’éventuelles retrouvailles, sur une vie ensemble par-delà la mort aurait été un mensonge. Dans le fond, une part d’elle savait qu’il avait raison. Mais elle ne voulait pas l’entendre. Egoïstement, elle continuait de vouloir récupérer sa vie d’avant, malgré tout. Mais elle ne pouvait pas le partager avec cet homme. Il aurait probablement essayé de la raisonner, et peut-être même aurait finalement changé d’avis et refusé de l’aider. Elle ne voulait pas prendre ce risque.

« C’est tout réfléchi. » conclut-elle sur un ton assuré.

Elle le regarda dans les yeux, s’efforçant de se montrer aussi convaincante que possible. Elle n’avait jamais été très douée pour mentir, en particulier lorsqu’elle n’avait pas anticipé le mensonge en question, mais elle se concentra autant qu’elle le pouvait afin de faire illusion. Avant de lui apporter les informations qu’il demandait.

« Coraline Price. Mon mari s’appelle Samuel Mercier. Enfin… ex mari, j’imagine. »

La dernière partie était douloureuse, mais lui avait semblé nécessaire pour paraître d’autant plus crédible aux yeux du détective. Elle n’avait jamais voulu prendre le nom de son époux, et maintenant elle le regrettait. Au moins aurait-elle eu quelque chose de lui à présent.

Elle n’avait jamais été une bonne menteuse, mais elle avait malgré tout tenté de se montrer la plus convaincante possible, se demandant s’il verrait clair dans son jeu. A vrai dire, elle avait encore du mal à comprendre comment tout ceci était possible, comment il pouvait la voir. Elle se demanda s’il avait l’habitude de ce genre de cas et cela lui sembla surréaliste. Elle avait déjà entendu parlé de médiums, ce genre de personnes qui soi-disant pouvaient communiquer avec les morts. Elle n’y avait jamais vraiment cru, bien sûr, mais les événements de ces derniers mois devaient bien la pousser à s’ouvrir un peu plus l’esprit sur ce genre de choses. Pour le moment, elle se sentait réellement fébrile à l’idée que le détective puisse trouver des réponses à ses questions. Pour la première fois depuis des mois, elle retrouvait espoir. L’espoir de retrouver un peu de son ancienne vie, même si la voix de la raison lui soufflait qu’elle devait limiter ses attentes, sous peine d’une cruelle déception. Il semblait en plus sûr de lui, ce qui contribuait à la rassurer.

Descendant de son perchoir, elle fit quelques pas vers lui en voyant qu’il écrivait quelque chose sur un bloc-note. Il lui tendit un morceau de papier tout en lui expliquant qu’il fixait un rendez-vous, où il aurait plus d’informations à lui transmettre. Du moins, elle l’espérait. Tout ceci avait l’air plutôt encourageant et le fait est qu’il savait visiblement ce qu’il faisait. Elle attrapa le morceau de papier d’un air confiant, et y lut rapidement les informations qu’il y avait inscrites. Elle pensait voir quel était l’établissement où ils devaient se retrouver.

« Parfait, j’y serai. »

Elle remarqua soudain qu’il l’observait fixement, et même l’examinait. Elle se sentit un peu gênée sur le coup, ne sachant si elle devait le lui faire remarquer ou pas. Mais il avait accepté de l’aider après qu’elle ait saccagé son bureau, elle pouvait bien laisser passer quelques comportements un peu étranges. Sa dernière phrase en revanche la déstabilisa quelque peu.

« Euh oui… évidemment… »

Elle ne comprenait pas vraiment l’intérêt de la précision. Pour quelle autre raison se seraient-ils revus ? Si elle n’avait pas été morte, elle lui aurait prêté des intentions sans doute autres que purement professionnelles, mais là elle ressentit juste une certaine gêne qu’elle avait beaucoup de mal à dissimuler. Car il n’était certainement pas en train d’essayer de la charmer, n’est-ce pas ?

« Je… je vais vous laisser… travailler. »

Le pauvre devrait ranger son bureau seul, car la seconde suivante, elle avait disparu.