15.. |La fuite peut être le début d'une nouvel erre. 174. | Manners, un nom, une vie Les Manners, grands et puissants. Les Manners, cette richesse qu’on disait couler dans leurs veines. Il n’y avait aucune trace de la présence chez leur ancêtre de cette roturière dont le nom avait disparu dans un arbre aux racines trop longues. Non, les Manners avaient toujours été nobles, les Manners avaient un sang plus pur encore que celui de la famille royale qui avait été tâché par les Boleyn, par ses roturiers qui avaient fait d’une dès leur une reine. Les Manners riaient de leur puissance chaque jour. Ils étalaient leur argent, ils se plaisaient à donner des réceptions somptueuses où le vin coulait à flot. Les Manners étaient connu de tous dans l'aristocratie anglaise. John, le père de famille, était un héros de guerre, adoré du peuple, idolâtré par les guerriers. Et il n'en était que plus sombre des horreurs qu'il avait vu.
Il n’était pas encore le guerrier qui tous connaisse lorsque sa femme mit au monde des jumeaux, ses premiers enfants, aux yeux aussi bleus que le sang qui coulait dans leurs veines. Des vœux furent faits, empli de grandeur sur ces deux créatures qui n’avaient pour l’heure conscience de ce qu’elles étaient. On leur offrit des noms royaux, Elizabeth pour celle qui avait vu le jour en premier, puis William. Deux enfants déjà blottis l’un contre l’autre dans le berceau qu’ils partageaient. Si leur mère les couvait d’un regard aimant, John prévoyait déjà ce que serait leur avenir. Il avait dans ses veines une ambition qui dépassait l’entendement.
William était le second, l’enfant qu’on aurait dû aimer pour sa place d’héritier. Le premier garçon de la fratrie, avec sur les épaules une charge qui lui reviendrait. Il était celui qui recevait les coups de son père lorsque ce dernier voulait passer sa rage, il était celui qui écoutait avec attention les leçons de bienséances qui le transformerait en parfait gentilhomme. Comme tous les membres de sa famille, le garçon nourrissait des vœux de grandeur, nourrissait l'envie sourde qui criait dans leurs cœurs à tous. L’enfant aux prunelles de givre apprit avec délectation ce qui allait petit à petit faire de lui un homme. D'un sourire charmeur inné à des manières de gentilhomme, il comprit vite, en compagnie d’Elizabeth, que le charme serait l'un de plus puissant moyen pour remplir de fierté son cœur. Élevée par leur manipulatrice de mère, sa soeur savait à la perfection ce qu'ils se devaient tous de faire. Elle choisit William, prometteur, ensorceleur, dans les jeux auxquels elle s'essayait. Elle le trainait avec lui dans des histoires qu’ils étaient trop jeunes pour comprendre. Lui aimait sa soeur comme la prunelle de ses yeux, la protégeant des soit disant gentleman de l'aristocratie anglaise. Car la brune jouait avec le feu à longueur de journée. Alors même qu'elle n'était encore qu'une enfant, William couvrait déjà ses escapades à cheval quand il n'essayait pas de la suivre dans les immenses forêts de cette propriété que possédait leurs parents.
Mais les deux enfants grandissaient, s'aimant avec parfois un peu trop de passion. Ce fut elle qui lui présenta une de ses plus proches amies, sous les ordres de leur mère. Coralis était une belle blonde d'une quinzaine d'année, totalement sous le charme du jeune homme de trois ans son cadet. Il ne fallut pas longtemps au brun pour la faire glisser entre ses bras et de fil en aiguille, dans son lit. Il apprit à aimer ça et il comprit alors où disparaissait sa soeur dans les nuits sombres de Londres. Il se mit à l'accompagner, tous deux ne quittant jamais leurs masques. C'est dans les paillettes et la décadence de l'argent, dans l'alcool et les drogues, que les deux jeunes adultes se voyaient maitre du monde et qu'ils s'offraient aux bras d'amant plus dangereux au fur et à mesure qu'ils avançaient.
Les deux bruns étaient des invités de marques, laissant leurs yeux si semblables capter et emprisonner tous les regards. On les savait jumeaux tant leurs physiques étaient semblables, tant leurs manières étaient identiques. Ils ne se lâchaient jamais, comme les deux facettes d’une même pièce. Dans le dos de leurs parents, ils se souriaient lorsqu'ils retrouvaient des amants d'une nuit dans les réceptions autrement plus ennuyeuses de leurs familles. Mais, alors qu'ils oubliaient petit à petit la grandeur et l'envie de leur famille dans les fêtes où ils se tournaient la tête à ne plus se souvenir de leurs prénoms, leurs parents gardaient bien ancrés l'avancé de leur pas. Rien n'était laissé au hasard et si les deux jeunes adultes se tournaient la tête, ils ne pouvaient oublier ce qu’il se tramait réellement. Leur père partait en guerre, laissant alors le feu de ses prunelles de givre être remplacé par la manipulation de leur mère. L’un était froid comme la mort quand l’autre n’était que chaleur menti. Elle les aimait pour mieux les guider jusqu’aux chemins qu’elle avait choisi. Elizabeth en était inconsciente mais William voyait la vérité. Ils seraient bientôt séparés alors qu’ils vieillissaient. Et lui refusait cela. Il aimait sa sœur, d’un amour bien plus fort qu’un simple amour fraternel. Il aurait dû se haïr pour ça. Il vivait dans le pêcher à chaque fois que la brune le retrouvait, à chaque fois qu’elle gémissait son prénom. Mais il ne pouvait pas lutter.
Alors, pour essayer de s’éloigner, il partait. Il côtoyait des hommes que son père lui avait interdit de fréquenter. Il devient joueur, dépensant des sommes d’argents folles aux cartes. Il buvait en leur compagnie, rendait visite à des femmes de mauvaises vies qu’il n’avait d’honneur à séduire. Sa sœur le savait et elle lui reprochait chaque jour un peu plus, elle toujours si belle, toujours si sage pour la fausse morale des hommes. Elle aimait jouer de son charme et de son corps. Mais pour la noblesse anglaise, elle était aussi pure que la vierge Marie, aussi innocente qu’une femme d’église. On bénissait sa chasteté quand on crachait sur les jeux auxquels se prêtait William. Il ternissait l’image des Manners et son père le rappelait à l’ordre à chacun de ses retours, frappant l’enfant devenu homme qui répondait avec plus de morgue à chaque nouveaux coups. Tout aurait pu durer longtemps. Mais un grain de sable vient bousculer le destin de la famille.
17… | Nunc scio quid sit Amor1762 : Rencontre avec William.
1764 : Elle tue Elizabeth Manners, la soeur de William.
1766 | Une nouvelle vie dans une enveloppe de carmin"
Cest lui ?Oui. Tuez le. Son nom et son rang importe peut. Il ne sera qu'un énième cadavre."
Il n'y a aucun sourire sur les lèvres prononçant la sentence, juste une joie glaciale qui brûle dans deux prunelles de givre. Le sujet de la discussion n'en a pas conscience, riant et jouant, une bière dans la main. William parlait de femmes, de celles qui s'offraient leur présence dans son lit jusqu'à celle qu'il affichait partout avec lui. Aimait-il cette femme ? Oui, quelques part sûrement. Mais jamais il ne l'aimerait avec autant de violence que le souvenir de celle qui lui avait volé son coeur avant de disparaître. Il accorde un sourire à une serveuse et cette dernière rougir brutalement avant de détourner les yeux. L'effet qu'il a sur les femmes, l'héritier en a parfaitement conscience. Il en joue, à longueur de temps. Pour mieux se brûler les ailes quand il tombe sur des proies qui le tiennent au bout de leur fusil.
«
Allez y. » Murmura la voix dans l'obscurité.
Les hommes entrèrent dans la pièce, comme de simples visiteurs. William riait toujours, ne leur accordant pas un regard. Il aurait dû mais l'inconscience rythmait ses pas depuis la mort d’Elizabeth. Il ne vivait plus vraiment, un souvenir d'être humain perdu dans l'alcool et l'opium, vivant la nuit au rythme des artistes qu'il n'aurait jamais dû côtoyer. La lame qui se ficha sous sa gorge le surpris et il leva les mains, un sourire goguenard naissant sur son visage. Il ne s'y attendait pas. Du moins pas vraiment. Mais il savait que tôt ou tard, un père ou un frère viendrait le trouver. Il savait que tôt ou tard l'un des joueurs de poker auquel il devait de l'argent s'approcherait pour mieux lui faire comprendre qu'il devait payer.
La lame s’enfonça un peu plus, glissant sur sa pomme d’Adam. Le sang perlait déjà alors que William éclatait d’un rire faux, aussi froid que la mort. Il releva les mains, son sourire ne disparaissant pas. Ô que non, il savait parfaitement ce qu’il risquait. Mais après tout, la mort ne serait-elle pas la plus belle des libertés ? Il retrouverait enfin sa sœur dans les océans pleins de laves de l’enfer. Car le paradis ne tendrait jamais les bras au pêcheur qu’il est. Il pourrait se perdre dans des bras qui n’attendaient que sa présence, rire et hurler contre son sein. Elizabeth lui manquait bien trop. Plus qu’une sœur n’aurait jamais dû manquer à un frère.
«
Dehors ! rugit la voix de l’homme qui le tenait sous le joug de son poignard.
-Avec plaisir. »
Le sourire de William lui offrit un coup dans le dos qui le fit trébucher et qui fit s’enfoncer un peu plus la lame si effilée. Le carmin se mêla à la blancheur de la peau du brun mais il ne porta aucune main secourable à sa gorge. Il pouvait mourir. Rien ne le retenait vraiment à cette Terre qui l’avait autrefois portée. Elisa peut être ? Mais la noble autrichienne n’était sa sœur. Elle n’avait tout ce qu’Elizabeth avait autrefois eu. Il manquait des détails, de la pâleur d’iris bien trop sombres jusqu’à ses rires qui remontaient à l’enfance.
L’extérieur était bien sombre face au bar. Et, à mesure qu’il suivait les hommes habillés de noir qui le menait jusqu’au néant, les étoiles devenaient ses seuls repères. Il s’était déjà perdu dans Londres, perdu dans le fog bien trop épais que ses prunelles de mortels ne parvenaient à percer. Mais jamais sous la menace d’une arme qu’il n’avait réussi à défier. La mort pouvait lui tendre les bras mais il voulait vivre. Son instinct de protection se réveillait, comme parfois alors qu’il croisait le regard enflammé d’Elisa. L'alcool qui embrumait sa vision sembla disparaitre, se retirant de ses veines pour lui offrir plus de facilité à répondre, à réagir..
Le premier coup le surprit, frappé dans son ventre et il réussi à arrêter le deuxième d'une main qui accueillit avec violence un poing. Mais le combat n'était pas équitable. Ils étaient bien trop nombreux contre lui. Un pied s'écrasa contre son dos et le craquement lui arracha un hurlement strident. Il n'y avait personne à ses côtés, personne dans le brouillard pour lui venir en aide. Il était seul, désespérément seul face à ceux dont il ne savait pas réellement le motif d'attaque. Le sang gicla alors qu'un nouveau coup lui était porté. La douleur le transperça un peu plus et il cracha l'hémoglobine qui coulait déjà de sa lèvre fêlée jusqu'à sa gorge.
"
J'espère que tu regrettes maintenant espèce de petite ordure. Ton nom, ton titre et tout ce qui va avec ne te sauveront pas. "
Les paroles s'étaient échappées de lèvres mauves, susurrées comme un amant le ferait, emplies d'un venin dont William n'avait jamais gouté la tessiture. Il releva le visage juste à temps pour croiser deux prunelles d'émeraude, d'une couleur qu'il avait déjà vue, dans laquelle il s'était déjà perdu. Mais ce n'était les yeux d'un homme, c'était bel et bien ceux d'une femme qui l'avait autrefois tant séduit. Il comprit, presque immédiatement. A l'instant même où une lame s'enfonçait dans sa poitrine, évitant le coeur. On ne voulait pas le tuer. On voulait juste le voir souffrir le plus longtemps possible.
Le sang gicla à nouveau et les coups reprirent de plus belle. William était depuis longtemps tombé au sol, trainant sa misérable carcasse loin des hommes. Mais ils étaient trop nombreux, trop bien organisé. La douleur l'aveuglait plus encore que l'alcool ne l'avait jamais fait. Il se cambra brutalement alors qu'un nouveau coup le cueillait entre les reins. Sa chemise autrefois si blanche n'était plus que haillon gorgé de sang, ouverte sur les multiples horreurs qui marbraient son torse. Inconsciemment, il savait parfaitement qu'il l'avait mérité. Mais à l'instant présent, il rêvait seulement des bras de sa soeur, du visage d'Elizabeth qui se mêlait étrangement avec celui d'Elisa.
Leurs regards devenaient identiques alors qu'il entendit un grondement sauvage avant de sombrer dans le néant. Il cru apercevoir une dernière fois le visage de la si belle autrichienne qui avait bien trop obnubilé ses pensées avant de disparaitre pour de bon.
Ce soir,
William Manners était mort. Et un monstre était né du sang qu'il buvait sans même s'en rendre compte.
Dans les légendes, l'enfer c'est les autres. Thème1904 : William découvre qu'elle a tué sa sœur.