Tu plonges ton regard encore un instant dans celui du serveur. Il est comme hypnotisé. Incapable de détourner son attention. Une fine pellicule de sueur trouve rapidement naissance à l'orée de sa nuque. Je Me lèche les babines à la seule idée de pouvoir M'y immiscer. Dans son dos Je veux dire. Ma truffe humide dans son cou. Mes griffes en feu effleurant du bout de leur pointe le creux de ses reins. Et puis Mes prunelles de jais pour accrocher les tiennes. Le temps qui se fige. Nos auras ténébreuses qui se jaugent. Qui se jugent. Qui se rencontrent. Se mêlent et s'entremêlent.
STOP!
J'ouvre les yeux au moment précis où tu libères le pion de sa prison de verre. Il baisse la tête et murmure une politesse que tu ne prends même pas la peine d'absorber. Un début de sourire amusé commence à se dessiner aux coins de tes lèvres. Tu sembles de particulièrement bonne humeur ce soir. J'ignore comment interpréter un tel aveu de culpabilité. Par le passé Je t'ai connu impatiente. Je t'ai côtoyé impitoyable. Impardonnable. J'ai senti la frustration, la détermination, la possession, la domination et tellement d'autre qu'il M'est bien impossible de tous les citer. Pourtant dans la liste manque irrévocablement l'amusement à l'appel. Oh non pas que tu es du genre à habiter en tout temps une humeur massacrante. Que du contraire même. Toi tu es indifférence. Stoïcisme. Tu laisses couler. Tu ne te rabaisses aucunement au niveau de la plèvre de cette grande ville. Tu t'encombres si peu des petites gens.
Ce soir, pourtant, Je te sens différente. Je te sens alerte. Envieuse. Tu as besoin de distraction. Pour cela tu es prête à déroger aux règles habituelles de bienséance. Je le sais. Je le
SENS. Je n'en suis que plus excité à l'idée de poursuivre cette soirée. Je sens ton cœur battre plus puissamment dans Ma propre cage thoracique. Un goût ferreux vient rendre Ma gueule pâteuse. Demandeuse. J'en veux plus. Et J'en veux rapidement!
"Bonsoir."
Un seul et unique mot. A ta gauche. Lentement, tellement et si peu à la fois, tu détournes ton attention vers son narrateur. Ton regard s'accroche à celui de la femme que J'avais déjà flairé en approchant. Je l'avais temporairement zappé du décor. C'est de Ma faute. Je le conçois parfaitement. Cela ne se reproduira plus. Promis.
Même odeur infeste. Même réaction immédiate. Ma truffe se plisse dans un rictus de dégoût. Mes oreilles duveteuses se couchent dans Ma nuque. Je sens le coin de Mes babines se retrousser. Trésailler. Un grognement sourd semble comme s'extirper du fin fond de Mes entrailles gangrenées. Je n'ai jamais aimé la viande avariée.
Interrogation. Incompréhension. Ne le sens-tu donc point? Ne le perçois-tu donc pas? Cette femme n'est pas ce que tu crois. J'ai envie de te secouer. De hurler. De déchiqueter. Tu M'empêches en tout point de réagir. Tu vas même jusqu'à M'obliger à regarder. A assister. Pantin inutile aux fils coupés. Je ronchonne. Vilaine!
- Vous êtes venue parier?
Tu ne passes pas par quatre chemins. Tu ne détournes par la conversation. Tu vas droite au but. Il est plus qu'évident que c'est toi qui l'intéresse. Que tout ceci n'est pas un fortuit hasard. Alors pourquoi s'encombrer de la futilité de la paperasse? Pourquoi s'ennuyer avec des préliminaires? Habituellement tu es plus encline à les accepter. Pourtant Je dois bien t'avouer que Je ne t'en tiens aucunement rigueur de sauter ainsi les étapes. Maintenant achève la qu'On puisse enfin continuer.
- Est-ce que cela vous plait ce que vous voyez?
Je plisse un peu plus les yeux. J'ignore ce que tu cherches à lui arracher, mais quelque chose Me dit qu'elle ne va pas nécessairement apprécier.
Du moins ... Je l'espère.
Je commence à en avoir marre d'attendre.
Et si On passait à l'étape suivante?