30 septembre 1946 - naissance de Lord Robert Michael James Gascoyne-Cecil du Marquis de Salisbury et de Marjorie Wyndham-Quin.
1er mai 1967 - naissance de Lady Margaret "Meg" Delilah Ainsley Gascoyne-Cecil de Robert Gascoyne-Cecil Vicomte de Cranborne et d'Hannah Stirling aristocrate écossaise.
6 janvier 1970 - naissance d'Edward "Ned" William Gascoyne-Cecil.
1 septembre 1970 - entrée de Meg à l'école de Headington
13 août 1974 - naissance d'Alycia Catherine "Cat" Moira Gascoyne-Cecil.
19 août 1978 - Hannah offre à sa fille le grimoire de magie dont elle a elle-même hérité de son père.
1 septembre 1978 - entrée de Meg à la très sélect' Heathfield School, pensionnat pour jeunes filles. Assignée à la maison Austen, elle en deviendra préfète à ses seize ans.
3 mai 1979 - le Vicomte de Cranborne devient membre du parlement (House of commons)
31 juin 1980 - Meg tombe de sa jument Kaiserin et se casse le bras, elle ne va donc pas aux Hamptons avec ses parents et passe l'été à la bibliothèque de Hatfield House.
22 juillet 1983 - obtention de ses GCSEs avec 9 A* et 2 A.
15 juin 1984 - rencontre avec Trystane Crichton-Stuart, fils du Marquis de Bute au Royal Ascot, idylle encouragée par les parents de Meg elle ne sera finalement que de courte durée.
30 juin 1985 - après les examens, lors d'une soirée réservée aux dernières années de son école, un incendie se déclare dans la salle où se trouvait Meg. L'enquête policière conclut à un accident.
15 juillet 1985 - obtention de ses A-Level avec 4 A* (sciences politiques, mathématiques, histoire et français) et 1 A (philosophie), Meg est acceptée au Corpus Christi College de Cambridge en Histoire et Politique.
17 juillet 1985 - à la surprise de tous, sauf la famille proche, Meg renonce officiellement à sa place à l'université de Cambridge et part subitement à Paris.
9 juin 1989 - obtention de sa maîtrise de droit à la Sorbonne avec mention et embauche à temps partiel au Conseil d'État en tant qu'assistante juridique.
13 juin 1990 - obtention de son DEA de droit public comparé.
15 juin 1990 - début de stage d'été à Wolfram&Hart
«
Meg veux-tu bien te tenir tranquille oui ? » La jeune fille au pair assène un petit coup du plat de la main sur l'épaule de la petite fille qui finit par se tenir bien droite. Elle peut enfin lui enfiler sa robe, une pièce de marque d'un beau tissu de taffetas beige. Puis elle tire un tiroir de la commode de l'enfant vers elle et se met à y chercher activement quelque chose. Pendant ce temps, Margaret s'approche d'un miroir pour y contempler son reflet. Elle n’est pas du tout contente du résultat, pas besoin d'avoir quarante-ans pour voir que cette robe ne la met pas en valeur. Le beige n'a jamais particulièrement été sa couleur et elle déteste ce tissu. Petite déjà elle préfère la soie. «
Pourquoi je dois porter cette merde ? » demande-t-elle d'un ton parfaitement calme et anodin. La gouvernante lâche brusquement le ruban qu'elle tient dans les mains et se précipite vers la fillette. «
Ne parle pas comme ça ! Je te l'ai déjà dit Meg, si ta mère t'entendait, elle en ferait une attaque. » Il suffit à la petite fille de lever les yeux et de croiser le regard de la jeune femme pour comprendre qu'il ne vaut mieux pas argumenter. Elle hoche vaguement la tête en guise de réponse. Elle n'a jamais bien compris pourquoi ces mots énervent tant Mathilde et tous ceux qui peuvent l'entendre dire ces choses. Elle, enfant de six ans, ne fait après tout que répéter ce qu'elle entend son au pair dire au cours des conversations téléphoniques qu'elle tient avec ses amis restés en France. La vérité c’est qu'elle ne comprend pas vraiment le sens de ces jurons. Mathilde revient vers elle pour lui coiffer les cheveux avec patience et les lui attacher à l'aide du ruban émeraude. «
Et ne critique donc pas ta tenue, c'est ta mère qui l’a choisie et elle te va très bien. Tu sais qu'il faut être élégante et tout particulièrement lorsque l’on reçoit. » Margaret fait la moue, peu convaincue par les propos de sa nourrice. Ce n’est pas parce que sa mère a épousé un futur marquis qu’elle a nécessairement du goût. Aujourd’hui on fête l’anniversaire de son frère, de l’héritier, de l’enfant prodige. Celui qui écopera du titre détenu par leur grand-père après leur père, même si c'est le deuxième né, parce que c'est comme ça, c'est la loi, le marquis de Salisbury ne transmet son titre qu'à son
fils légitime. Ned, l'enfant-roi, aussi connu comme étant le gamin baveux qui n’a pour seule qualité et utilité que d’être le meilleur de ses suiveurs, ne la contredisant jamais. Les invités sont nombreux; elle ne se souvient pas que ses trois ans aient vu tant de nobles se précipiter à leur porte. C’est peut-être pour ça au fond, qu’elle déteste tant sa robe. «
’ere you go. » fait Mathilde en déposant la touche finale dans sa crinière, un petit diadème et malgré elle, en croisant le regard de son reflet, Margaret esquisse un petit sourire.
[...]
«
I don't like her she's just too full of herself. » «
She can be funny though. » «
She can't stand being wrong. » «
Last time I told her that she was not the future marquess but her brother was, she scratched my cheek 'till I was bleeding!. »
les enfants des amis de ses parents quand on leur demande leur avis sur Margaret.«
Élève exemplaire, résultats excellents. Elle fait montre d'une grande vivacité d'esprit et d'une maturité impressionnante, peut-être parfois un peu trop pour son jeune âge. »
professeur de français à la Headington School.
«
She's my sister. »
la seule défense que Ned a à offrir aux détracteurs de son aînée.- traduction:
« Je ne l'aime pas elle est trop imbue d'elle-même.. » « Elle peut être drôle ceci dit. » « Elle ne supporte pas d'avoir tord. » « La dernière fois que je lui ai dit qu'elle n'était pas la future marquise, mais que c'était son frère, elle m'a griffé la joue jusqu'au sang !. »
« C'est ma sœur. »
[…]
«
Who’s that whore? » Elle hurle, envoyant un coup de pied dans un tronc d'arbre échoué au sol et retenant un grognement de douleur. Si seulement il n'y avait que son pied qui lui faisait mal. Ça n'aurait pas du se passer comme ça. Tout allait merveilleusement bien. De leur rencontre dans les gradins du Royal Ascot, à son offre de faire un tour à cheval après les courses de la journée, à la semaine passée ensemble dans le sud de la France à la fin de l’été. Tout était parfait, mieux que tout ce qu’elle avait pu écrire dans son journal intime à quatorze ans en fantasmant sur ce que devait être une relation amoureuse réussie. L’éducation dans une école réservée aux filles n’avait pas grandement donné l’occasion à l’adolescente d’expérimenter la chose et elle avait tendance à trouver les garçons qui lui étaient présentés aux divers évènements auxquels sa famille était invitée incroyablement immatures. Des gamins. Sauf Trystane. Différent des autres autant que son père peut être différent du reste de la noblesse, lui qui refuse d’utiliser son titre et a rapidement préféré aux grandes études les courses de formule un. Il fait jaser. Son fils est plus discret, plus au goût de Meg, plus
parfait. Du moins était-ce ce qu’elle pensait. Elle se sent si bête d’avoir révélé son idylle à ses camarades de classe dès la rentrée. Elle regrette son arrogance, sa condescendance face à ses copines;
moi j’ai une relation mature, one day you’ll understand. Sa joie, ses espoirs lui sont arrachés, déchirés, remplacés par du dégoût, une rage infinie. Et elle-même a du mal à discerner si c’est son cœur qui saigne ou si ce n’est que le fait que ses plans aient été détournés qui la met dans un tel état. L’invitation à Mount Stuart pour les fêtes, son billet pour l’Écosse déjà acheté, le cadeau qu’elle comptait lui faire, l’innocence déjà offerte tout ça pour quoi ? Pour rien, pour le retrouver dans le jardin de son meilleur ami, en train de batifoler avec une jolie rouquine. Margaret devrait la connaître. Elle connaît tous les nobles de son âge qu’ils soient d’Irlande ou d’Écosse, fils d’une fille de baron ou d'un cousin direct de la reine. Mais celle-là, elle ne la connaît pas. Et c’est peut-être ça le pire. Qu’il l’a trompe avec une roturière, une fille de rien ou pire encore une nouvelle riche rencontrée dans son école mixte. Elle se concentre sur l’identité de celle qu’elle imagine tentatrice pour ne pas avoir à affronter l’autre élément du problème et les sentiments que cela provoque en elle. La rage vaut mieux que la douleur. «
You’re disgusting. » elle ose enfin poser les yeux sur Trystane. Elle n’a que seize ans, elle sait déjà ce qu’on lui dira: un de perdu dix de retrouvés. Sa fierté sera difficile à récupérer pourtant. Les heures, les jours qu’elle lui a consacré ne seront jamais retrouvés. Et sa myocarde écorchée elle lui semble prête à sortir de sa poitrine. Son cœur pourrait lui être arraché et lancé aux pieds de Trystane qu’elle ne ressentirait pas la différence. C'est ce qui arrive quand on croit trop aux contes de fées. C'est ce qui arrive quand on s'attache trop vite. «
I can explain. » Il ne veut pas passer pour un parfait goujat, il ne veut pas aggraver la situation alors bien sûr qu’il tente de s’excuser, de s’expliquer. Mais elle ne voit pas ce qu’il reste à expliquer alors qu’elle l’a vu, ses mains sous le pull de l’adolescente, ses lèvres accrochées aux siennes comme si sa vie en dépendait. Meg a la nausée. Cette conversation ne lui apportera rien, elle préfère tourner les talons. «
Where are you going? » Ose-t-il lui lancer et il lui faut toute la bonne volonté et la restreinte du monde pour l’empêcher de le gifler. «
Vas te faire foutre, j'me barre sale enflure. » Trystane n’a que des C en français, elle doute qu’il comprenne et c’est tant mieux: qu’il passe des heures à se demander ce que ses derniers mots étaient. Qu'il compte sur elle pour ne plus jamais lui adresser la parole.
- traduction:
« C'est qui cette pute ? »« T'es dégueulasse. »
« Je peux t'expliquer. »« Tu vas où ? »
[…]
«
Come on Meg! It’s our last soirée, amuse-toi un peu ! » lance Lizzie tandis que Becks sort un petit sachet de son sac. «
Look what I’ve got girls! » C’est bien tout ce que Meg peut faire, regarder, les yeux écarquillés incapable malgré ses notes passées en chimie de déterminer ce qu’est précisément la substance que secoue devant elle sa camarade. Cela pourrait être n’importe quoi, du simple sucre à une drogue dure dont elle ignorerait le nom. Raisonnable, respectueuse du règlement de l’école - pourvu qu’il l’arrange - elle ne devrait pas être ne serait-ce que tentée. Et pourtant. Elle hésite, la préfète des Austen, devant toutes ses camarades qui fêtent la fin de leurs études, leur dernière soirée avant de rentrer chacune dans les manoirs de leurs parents. Et finalement, elle tend la main. Si elle veut lâcher prise, une fois rien qu’une fois, c’est l’occasion ou jamais, avant de fermer ce chapitre de sa vie.
Rouge, le monde est rouge. Les flammes lèchent les lattes du parquet à ses pieds et elle reste figée. Elles sont sorties de nul part, elle ne comprend pas. Sa peau d'albâtre se fait brûlante, mais elle est trop confuse et choquée pour penser à essuyer la sueur sur son front, elle n’ose même pas faire un pas vers la sortie. Elle ne sait pas comment tout ça est arrivé. Ça n’avait commencé que par un jeu. Mais les rires promis par ses camarades ne sont jamais venus, tremblante dans son coin, transpirant à tel point qu’elle n’aurait certainement pas remarqué le feu si les cris ne s’étaient pas fait entendre. Bad trip. Le monstre à l’autre bout de la pièce l'a surprise quand elle a relevé la tête et soudain les flammes des bougies sur la table se sont élevées pour venir titiller la nappe. «
MEG MEG » Les cris semblent soudain la réveiller de sa torpeur et elle regarde tout autour d’elle. Elle n’a plus que quelques instants pour s’enfuir avant que le cercle de feu ne se referme autour d’elle. Elle court vers les voix des adolescentes auxquelles se mêlent désormais celles des enseignants. Opéra maladroit qui la mène miraculeusement jusqu’à l’extérieur du bâtiment. «
What happened? » demande la directrice à chacune des élèves alors le chef de la brigade de pompiers arrive sur les lieux. Margaret hausse les épaules, comme les autres. Elle ne sait pas. Comme les autres elle prétend avoir eu l’esprit trop embrouillé pour réaliser la porté de ses actes, pour se souvenir exactement de la façon dont le feu a démarré. L’alcool était autorisé exceptionnellement pour les dernières années et le sachet spécial de Becks étant terminé, les gamines sont laissées tranquilles. On ne veut pas d'ennuis avec leurs parents. Elles sont ramenées à leur dortoir. Le lendemain elles rentrent chez elles. Mais Meg ne dort pas ce soir-là. La seule chose à laquelle elle peut penser c’est sa frayeur avant que l’incendie ne démarre et les étincelles bleues qu’elle a cru voir s’échapper de ses doigts. Le lendemain on déclarerait que ce n’était la faute de personne, que c’était un accident, que les prochaines années on interdirait aux étudiantes de boire autre chose que du punch, que les bougies ne feraient plus partie de la décoration, qu’un surveillant serait présent à tout moment malgré la majorité des demoiselles. Le blâme ne lui serait pas jeté. Mais elle, elle sait.
C’est en sursaut qu’elle est réveillée, pour la première fois depuis plus d’une semaine non par par un cauchemar terrifiant mais par le grincement du parquet. Elle se frotte les yeux machinalement, de façon si peu régale et sa mère entre dans son champ de vision. «
Good morning darling. » fait-elle en s’asseyant sur ses draps de satin rose tandis que son aînée se relève sur ses oreillers. «
Je viens juste te dire que nous avons envoyé un chèque de contribution aux réparations à Heathfield. » L’air pensive elle caresse doucement la chevelure brune de la jeune femme aux cernes marquées. Elle ne dort pas très bien ce moment Margaret, la culpabilité la ronge. Les dommages causés par son erreur, par son manque de caution, par son premier et dernier essai avec la drogue, ne sont fort heureusement que matériels, mais elle frissonne à l’idée qu’ils auraient pu être bien pires. «
I was thinking ma chérie, que peut-être you should properly learn how to use your magic. » Par habitude elle chuchote le mot, comme par crainte qu’un inconnu trainant dans les couloirs de la grande maison l’entende. Mais il n’y a pas d’inconnu ici, seulement la famille du grand-père de Margaret à ses cousins. Il n’y a que ses parents, son frère et sa sœur qui sachent pourtant le danger public qu’elle représente. Elle qui a toujours adoré s’amuser avec sa magie, faire rire sa petite sœur quand personne ne regarde, éplucher le grimoire des Stirling et profiter de son avantage sur la matière inerte pour gagner des prix à l’école, elle ne rit plus. «
And by properly I mean with a teacher. » L’idée est plus que raisonnable évidemment. Margaret est soulagée plus qu’autre chose, que ses parents ne lui hurlent pas dessus. Que sa mère en devinant sa responsabilité n’ait pas incité son père à la punir. Peut-être que c’est qu’on ne veut pas attirer l’attention sur elle. Ou peut-être que c’est qu’on comprend que l’accident était parfaitement involontaire. Elle ne saura jamais. «
I know someone who could help. In Paris. » Le sourire faiblard de la jeune femme se transforme aussitôt en moue dubitative. Margaret ne comprend pas. Il y a Cambridge qui l’attend, si tant est qu’elle ait réussi ses examens aussi bien qu’elle le croit, et puis sa mère ne peut-elle pas elle-même l’aider ? C’est bien d’elle qu’elle tient ce don, cette malédiction telle qu’elle lui apparaît aujourd’hui. Elle lui a offert le livre duquel elle a tiré tous ses enseignements, ne peut-elle pas s’occuper d’elle, agir comme une mère pour une fois ? Elle songe soudain qu'elle n'a jamais véritablement vu sa mère lancer le moindre sort, aversion pour la magie ou absence de pouvoir ? «
But what about Cambridge? » C’est la seule de ses objections qu’elle ose soulever à voix haute quand bien même dans son esprit c’est peut-être la moindre. «
Tu adores Paris voyons. » rétorque Hannah en français. C’est vrai, elle adore Paris, mais est-ce une raison pour quitter sa patrie, renoncer à une superbe éducation, à un futur brillant ? Cambridge ça n’est pas rien. Elle a travaillé pour, elle le mérite, c’est son rêve. Elle a visité le College qui l’a acceptée sous réserve de réussite de ses examens les yeux brillants, s’y voyant déjà. Elle a choisi Cambridge alors même que sa famille est une habituée d’Oxford, pour que son nom ne joue pas, pour qu’elle ne se doive son acceptation qu’à elle-même. La jeune femme rêve encore de cette soirée de juin, des flammes, des cris, de son sentiment d’impuissance cependant. Elle tremble encore, dort mal, mange peu. A-t-elle vraiment envie de risquer un incident pareil à Cambridge ? Non. Sa mère a raison elle doit apprendre. «
Je suis sûre que l’on peut s’arranger pour que tu trouves une place à la Sorbonne little dove. » Une caresse sur le haut de son crâne et Hannah s’en va. Mission accomplie. Margaret ne sera plus un risque pour la famille et si elle l’est malgré l’enseignement de magie qu’elle recevra à Paris, au moins ça ne sera pas en Angleterre où ses actes sont susceptibles d’avoir des répercussions importantes sur son père ou pire, son petit frère.
- traduction:
« Aller Meg! C'est notre soirée, amuse-toi un peu ! » « Regardez ce que j'ai les filles ! »
« Que s'est-il passé ? »
« Bonjour chérie. »
«Je pensais, ma chérie, que peut-être devrais-tu apprendre proprement à utiliser ta magie. »
« Et par proprement je veux dire avec un professeur. »
« Je connais quelqu'un qui pourrait t'aider. À Paris. »
« Mais et Cambridge alors ? »
[…]
«
Lilah tu peux passer aux greffes récupérer la demande en pourvoi de l’affaire Peyrevigne s’il te plaît ? » Tapant furieusement sur le clavier de l’ordinateur de bureau, la jeune femme hoche la tête. Ça ne relève pas exactement de sa compétence que de faire des allers-retours entre les différents services. Elle est plutôt là pour la rédaction de documents et la recherche, mais soit, elle a la chance d’avoir été embauchée au Conseil d’État, elle peut bien se résoudre à accomplir quelques tâches de secrétaire. Elle n’est plus la gamine qui n’osait regarder trop en deçà de son rang, par peur d’écoper d’un vertige incurable certainement, peur de réaliser la futilité de sa vie. Elle accepte que les échelons doivent être gravis petit à petit et qu’après tout si elle rend service à un conseiller d’état il le lui rendra un jour - quand elle sera enfin avocate. Elle enregistre donc le projet de jugement sur lequel elle travaillait et quitte son poste pour chercher le dossier. «
T’es libre pour déjeuner dans une demi-heure ? » lui propose la greffe avec un sourire amical et de nouveau l’autrefois éloquente jeune femme se contente d’hocher la tête en guise de toute réponse. Ça a quelque chose de libérateur de n’être que Lilah. De n’être qu’une étudiante comme les autres, une bonne étudiante bien sûr, mais rien de plus. Son accent lui ajoute une touche d’exotisme, suscite quelques intérêts, mais son nom ne dit rien à personne. Et puisqu’il ne veut rien dire de particulier, elle accepte aisément que ceux des autres non plus n’aient pas besoin d’avoir de sens. Que ses amis puissent habiter en banlieue parisienne ou en colocation étudiante. Qu’ils ne connaissent même pas les restaurants qu’elle a pu visiter avec ses parents. Et si elle n’a pas renoncé aux designers, elle étale moins l’argent que lui envoient ses parents tous les mois, dépensent en priorité sa paye - quoiqu’à elle seule elle soit insuffisante pour payer ne serait-ce que la moitié de son loyer. Mais Lilah ne s'est pas débarrassée de son affliction première, celle qui lui a fait quitter sa terre natale. Magie, don ou malédiction, elle ne sait plus trop. Elle a appris du mentor indiqué par sa mère, il le fallait bien, pour ne pas risquer d'autres incidents, elle a appris que ce n'était pas un jeu. Fini les transformations d'un crayon en papier et d'un téléphone en pistolet à eau. Elle s'est promis de faire attention désormais. Les habitudes meurent difficilement toutefois et il n'est pas rare qu'une ceinture soit transformée en serre tête et inversement ou qu'une gomme remplace un talon aiguille cassé en route.
C'est innocent, ça ne peut faire de mal à personne, essaye-t-elle de se convaincre.