Akhénaton ~ the Animal within

Ton âme se fissure. Tes entrailles se déchirent. Tes os se brisent. Tu te sens partir. Tu te sens chuter. Ne t'inquiète pas, Je suis là. J'arrive. J'accours.  Je tends Mes bras vers toi. Tu t'y meurs tandis que Moi, Moi Je renais de tes cendres.

Pendant une fraction de secondes, tu te sens comme emprisonnée dans une cage de verre. Tu te sens comme dénuée de tous tes repères au profit de tes instincts les plus primitifs, accessoirement les Miens. Sous la douleur et la souffrance, tes sens acceptent - enfin - de s'allier aux Miens. Odorat, ouïe, toucher ... tous ne font désormais plus qu'un.
Ton dos se arque tandis que ton corps lui se courbe vers l'avant. Ta bouche devient gueule et laisse échapper un rugissement. Tu ne l'entends pas. Tu ne l'entends plus.

Bien sûr que tu ne vois pas. Bien sûr que tu n'entends rien. Avec le temps, tu as réussi à maîtriser la Bête. Tout se déroule uniquement dans ton for intérieur. Dans ton crâne les éléments se déchaînent et Je viens ouvertement clamer Ma part du marché. Nos deux psychés se croisent. Se mêlent. Se départagent une entité bien trop grande et à la fois si petite. Je prends ce qui Me revient ce soir de droit. Tu ne te laisses pas faire. Je dois M'agripper. Je dois griffer. Je dois charcuter. Dans ta chair. Dans tes souvenirs. Détruire ce qui Me semble à la fois futile et tellement obsolète. Car c'est ce que Je fais. Car c'est ce que Je suis. Pendant les trois prochains jours tu n'as plus besoin de savoir qui tu es, qui tu as été ou qui après-demain tu seras. C'est à Moi désormais de prendre le relais.

Le vide s'installe. S'imprègne. Je ferme les paupières et viens humer l'air si abjecte qui nous entoure. Je Me lèche les babines tandis que des bribes de Ma - Nôtre - dernière chasse viennent me titiller l'esprit. Viennent m'ouvrir l'appétit. Depuis quand n'as-tu plus mangé? Est-ce en prévision de Ma seule approche que tu as décidé de jeûner? Je ricane. Je ronronne. Chaque nouvelle lune, Je t'aime un peu plus.

Le temps passe vite. Trop. Déjà Je sens l'astre s'éloigner. Déjà Je sens la Mère se retirer. Il est temps pour Moi de retourner là où tu veux bien de Moi. Je t'appelle. Tu Me réponds. Une nouvelle fois Nous voilà sur une même longueur d'onde. Un instant à peine. Éphémère. Volatile. S'ensuit l'impact. La collision. D'une telle violence qu'elle t'en donne le vertige. Cette fois-ci c'est Moi qui pars vers l'avant. Ou du moins Je relâche le contrôle autre fois accordé.
Une douleur fulgurante t'agresse le subconscient. Il est dit que le véritable Enfer ce sont les autres. Nous savons tous deux cette prédiction fausse. Le véritable nichoir de Lucifer a trouvé un antre bien plus confortable à exploiter.

Tu t'en moques éperdument. Tout comme Moi. Tu aimerais lui rire au nez. Lui cracher au visage. D'ailleurs tu l'as déjà fait et le fera encore. Dans cette nouvelle réalité il n'y a que toi et Ma souffrance. Toi et Mon mal-être. Des milliers de petites mains qui grappillent dans tous les sens afin de débrancher Notre connexion. Des griffes acérées pour venir infecter tes terminaisons nerveuses en y injectant leur sulfureux venin.
Mes serres s'ancrent  une dernière fois dans le sol où ils viennent arracher le bitume. Mes cris te reviennent muets, même si les autres les entendent. Même si les autres te voient. Tu t'en moques. Ils n'ont pas à être là. Puis, comment pourraient-ils seulement comprendre? Ta propre décomposition se situe à un bien autre niveau. Celui où les anges pleurent. Celui où les anges meurent.

Tu es prise de respiration. Tes poumons comme comprimés par des lacérations invisibles. Ton sternum comme décomposé par la seule force d'un autre vouloir. Tes avant-bras viennent se lover autour de ton abdomen en feu. Ton torse part vers l'avant comme au ralenti. Ta bouche s'ouvre comme pour expulser tout le poids d'une civilisation perdue. En seule réponse à ton désarroi il n'y a qu'une bile jaunâtre pour s'en échapper au compte-goutte. Gouttes salines. Gouttes toxines. Elles s'incrustent et s'incurvent dans le sol. Ce ne sont là les derniers vestiges de Ma sombre présence. Il est temps pour Moi de Me retirer. De te laisser la place pour les vingt-six jours à venir.  Je Me roule en boule dans tes entrailles.  J'accepte plus que volontiers le panier que tu y as érigé. Je Me couche, mais sans jamais fermer les yeux. Je t'observe. Je les observe. A travers tes yeux. A travers tes sens.

Un de tes sous-fifres se tient dans ton dos. Il ne te touche jamais, même si ce n'est point l'envie qui lui en manque. Il connaît les conséquences que peuvent avoir de tels actes irréfléchis. Il sait que quatorze os risquent de se fracturer dans une main trop entreprenante. Tout comme il sait qu'à Mon prochain réveil il paiera une deuxième fois pour ce sacrilège. De fait, tu ne lui prêtes aucune attention. Aucun mot. Il approche et vient déposer sur tes épaules nues une peau de loup. Autrefois cela M'avait rebuté. Déchaîné. Enragé. Mais plus maintenant. Maintenant Je sais. Maintenant Je comprends. Depuis ta paroi abdominale Je souris au monde. Je lui montre Nos crocs.

Lentement tu commences à t'éloigner. Depuis le coin de tes lèvres découlent les dernières traces de Ma gangrène, colorant en partie ton visage d'un teint qui lui va trop bien. Tout le long de tes vertèbres tu sens le monstre que Je suis se tortiller. Je ronronne. Je hisse. J'en veux encore.
Et Je sais pertinemment que tu es seule à pouvoir Me l'offrir.

Akhénaton.
Depuis Notre toute première rencontre, ce prénom a toujours réussi à M'arracher un sourire. Assurément tes parents devaient être devins dans une vie antérieure. A te choisir un pseudonyme pareil, dès ton plus jeune âge tu étais d'ores et déjà présagée à un Grand avenir.

Il va sans dire que ton père s'attendait à accueillir un garçon comme premier-né. Un beau mâle bien viril pour répandre la semence et propager le nom d'Orello à travers les siècles. Première déception que celle de ta naissance. Il n'y laissera pourtant rien paraître vers l'extérieur. Les apparences se tiennent malgré ce cuisant échec. Tu prendras sur toi. Sur tes épaules jugées bien trop frêles. Tu te tiendras droite et fière à ses côtés. Tu avaleras sans rechigner. Car c'est ce que font les femmes. Ou du moins c'est ce qu'on plait à te faire croire.

Rapidement déjà tu perces le mythe. Tu découvres le poteau rose. Tu gardes tes trouvailles sous silence et te promets solennellement de gravir tous ces fichus échelons. De faire payer l'aveuglement facile d'une génération mourante. Ton père n'est pas à prendre en faute. Il a été moulé par les affres de la guerre. Il est un immigré. Richissime collectionneur. Emérite homme d'affaires. Certes. Mais il n'en reste pas moins désespérément éloigné de ses racines profondes. Il a perdu ses repères. Il s'est créé une nouvelle utopie. Celle où toi tu n'es qu'une femelle. Tout comme ta sœur. Car vient seulement en troisième votre frère. L'élu. L'attendu.

Tu n'en as que faire. Il te sert d'ailleurs de diversion. Tandis que votre père s'affaire à rendre son fils Grand, il ne remarque pas ou à pas l'ascension fulgurante de son aînée. Tu es un véritable génie à l'état pur. Un stratège dans l'âme. Pourtant rien n'y parait. Rien ne transparait. Tu te glisses dans le rôle de l'étudiante lambda. Ton véritable potentiel tu le gardes sous silence. Tu ne l'exploites que le soir. La nuit. Dans le noir. Dans l'interdit. Drogue, armes, chair … tout est négociable. Tout a un prix. Tu les connais. Tu les côtoies. Tu les crées. Ce que l’homme veut, tu peux le lui obtenir. S’il refuse de payer, tu n’as pas peur de tirer. Tes mains sont si sales que Je salive rien qu’à l’idée de Les lécher.

Dans le monde des Ténèbres tu commences à te faire une place. D'abord sous un pseudonyme quelconque, histoire d'éveiller l'intérêt. Histoire d'attirer l'attention. Celle des gens de l'Ombre. Celle des gens de pouvoir. Celle de ton père. Cet homme borné qui pourtant doit se faire à l'évidence que son fils ne pourra jamais le remplacer. Que son rejeton n'a tout simplement pas les épaules pour porter ce magnifique manteau doré. Qu'il a lamentablement échoué dans le choix de son unique héritier.

Je te découvre bien avant lui. Dès Notre première encontre, Je SAIS ton potentiel latent. Je le sens. Je le veux. L'homme qui Me porte en lui n'est qu'un fourbe. Un sauvage. Il ne M'accorde pas l'attention que Je mérite. Il se contente de Me laisser trois jours de sa misérable vie. Ensuite il Me néglige. Il Me renie. Il va même jusqu'à tenter de M'exorciser. Il paie bien. Trop. Et pas assez à la fois. Je M'accroche. Je refuse de Me laisser enfermer. Je refuse de Me rabaisser. Alors quand Je te vois ... Je ricane. Je ronronne. Ô oui ... Je te VEUX et Ma Muse tu seras.

Je te traque. Je te pourchasse. Longtemps. Trop à mon goût. Et en même temps si peu à la fois. Je le sais. Tu le sais. Je sais que tu sais et vice versa. Je M'en lèche les babines avides de plus. Affamées d'encore. Tu Me fais renaître de Mes cendres sans même t'en rendre compte. Tu obnubiles Mes moindres pensées. Tu hantes Mes rares rêves. Dans les entrailles de Mon hôte, Je M'impatiente. Je trépigne. Je le rends malade. Je M'en moque éperdument. Je veux sortir et Je le veux maintenant!

J'ignore pendant combien de temps Nous entretenons ce petit jeu du chat et de la souris. Des semaines. Des mois. Peut-être même bien des années, qui sait. Puis une nuit, te voilà. Juste là, devant moi. Ténébreuse. Magnifique. Magnétique. Tu M'attends. Tu Me souris. Je ne Me laisse pas désirer. Je déchire l'enveloppe futile de l'homme que J'occupais jusqu'à présent et Me rue vers toi tous crocs sortis. Tu m'accueilles à bras ouverts. Tu ne hurles même pas. Et Moi ... Moi Je Me perds en toi.

Cela fait trois ans maintenant que Nous cohabitons. Que Je ne suis plus Moi. Que tu n'es plus toi. Je suis Tu. Nous sommes Je. Je ronronne à chacun de tes pas. Je Me languis de Mes sorties. Pourtant Je Me montre patient. Je Me montre indulgent. J'observe à travers tes seuls yeux. Je vies à travers tes seuls sens. Partout, tu Me portes avec toi. Tu Me laisses vivre ta vie. Tu n'es pas Ma prison. Uniquement Ma liberté. Tu es le plus beau présent que la Mère aurait pu m'offrir.

Petit à petit, Nos deux entités se mettent à fusionner. Tu commences à renifler la marchandise. A claquer des dents. Il M'est si plaisant de déteindre sur toi. Tout comme l'inverse est également de mise. Moi, de Mon côté, Je Me tiens fier. Je Me tiens droit. Je ne suis plus le loup oméga exilé de sa meute. Banni de sa tribu. A travers toi ... Je suis ENFIN devenu un Alpha.

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