Salisbury. 1972. Splash. La maison s'écrase sur la sorcière. Les villageois chantent et dansent alors que la fillette tape allègrement dans ses mains. L'innocence enfantine se peint sur son visage alors qu'elle regarde pleine d'envie les chaussures rouges rubis, le technicolor qui bave de couleurs vives, éclatantes.
La sorcière est morte. Ding, dong, the witch is dead. Mais ce n'est pas grave. C'est une mauvaise sorcière pas une bonne. Ysabeau l'est elle. Une gentille sorcière. Une princesse aussi peut-être. Sa maman lui a toujours dit que son prénom venant d'une de leur ancêtre qui l'était. Super non ? Est-ce que l'on peut être les deux d'ailleurs ? Elle enfonce sa coiffe pailletée sur sa tête et se pavane dans le salon sous le regard affectueux de sa mère. La voici émissaire du bien, héritière de la
gentille sorcière du nord. Le film terminé elle embarque le chat, une boîte de petits pois vide et une poupée de chiffon usé dans ses aventures : sa petite troupe est complète.
Allons-voir le ma...gi...cien ! s'écrit-t-elle en trébuchant sur les mots. Soudainement, la sonnerie la fait sursauter. Est-ce la méchante sorcière de l'ouest qui revient les hanter ? Dans sa paire de souliers rouges trop grands, empruntés à sa mère, elle cavalcade jusqu'à la porte d'entrée, le chat dans les bras, une baguette magique improvisée dans une main. Sa mère lui adresse un petit sourire tandis que la porte s'ouvre sur une femme, maigre, un sourire aux lèvres.
Sorcière. s'écrit la gamine en agitant le chat qui s'arrache de son étreinte avec un miaulement apeuré pour filer trouver refuge dans le jardin. La nouvelle venue est surprise, regarde tour à tour la mére de l'enfant qui elle est figée, tremblante. Elle se retint de crier, attrape la main de la gamine dans la sienne et murmure un mot, un seul :
- Non.
Salem. 1976. Il n'y a plus ni chat, ni boîte de conserve, ni film, ni gentille ou méchante sorcière. Il n'y a plus la petite maison sur le bord de plage et l'odeur étourdissante des embruns et la douceur sucrée des crêpes du dimanche. Il n'y a plus... il n'y a plus... Désormais de nouveaux souvenirs ont pris places. L'enfant n'a rien à regretter ou à pleurer plus que les anciens ont été arrachés par l'
inconnue. Celle qu'elle appelle Maman désormais. Elle est un peu sévère sa mère, les repas sont courts, les vacances... il n'y en a pas. Ils ont emménagé aux huit ans de la petite dans leur petite maison de Salem. Maman est guide dans un musée de la ville, tandis que son oncle est libraire. Ysabeau n'a que les lourds ouvrages de la bibliothèque pour se distraire. Elle les empile pour construire un fort, et se fait rudement réprimandé par Elvira, sa maman. De temps en temps, elle s'enfuit jouer avec les gamins du quartier mais cela ne passe pas. Quand elle sera plus grande, elle devra travailler, étudier, parler ces étranges langues comme le font sa mère et son père. Pourtant quelque chose lui manque, quelque chose qu'elle ne peut exprimer du haut de ses huit ans.
Cela fait deux ans que Bo a été arrachée à ses parents. Elle n'était que le tribut d'un pacte sordide passé entre deux sœurs. La plus jeune, Lizzie, voulait s'arracher à une existence teintée par les forces obscures, ne pas se perdre comme ses ancêtres : renoncer à la magie et disparaître. Elvira lui a accordé son souhait en échange de son premier né. Un grand classique. Aux six ans de l'enfant, elle viendrait chercher son dû, ce qu'elle a bien entendu fait. Conscience que le changement serait trop pour la fillette, elle a occulté tout souvenir de sa "première" vie. Malheureusement, les choses ne restent jamais bien longtemps cachées.
La nuit, elle s'enfouit sous ses draps et chuchote le prénom de son amie imaginaire,
Gali. Ce n'est qu'une silhouette floue, une voix apaisante de temps en temps. D'abord une peluche, puis une gamine imaginée, à peu prés de son âge. Elle lui parlait de sa famille, de sa maison, une petite cabane au bord d'un cours d'eau, de son chat, et de la vie dans son village. Parfois sa mère lui demandait ce qu'elle trafiquait à parler dans un coin, et elle mentait. Ce fut la première fois d'une longue série...
Peu à peu Elvira commence à introduire Ysabeau à l'art transmis depuis des générations. Elle regroupe des petits cailloux frappés d'étranges symboles dans un petit sac, puis les versent sur la table. Chacun signifiait quelque chose. C'était un jeu, il faut deviner et Elvira est très fort à ça. Parfois même ce qu'elle devinait se passait réellement. Un an plus tard, son apprentissage commence. Elle est scolarisé chez elle et en parallèle de la lecture, des mathématiques, etc... Bo
apprend ces secrets chuchotés au coin du feu depuis des générations.
Salem. 1983. Adolescence. La voici apprentie. Il lui reste encore des années avant d'arriver à la maîtrise de sa mère. Sa mère... sa vraie mère ? Ses souvenirs sont encore flous. Elvira ne pouvait pas les maintenir éternellement. A vrai dire c'est cette audace qui a précipité sa chute peut être que si elle lui avait tout expliqué...
Le
rite de passage des Prenderghast, la consommation d'une potion dangereuse sensée éveillée les capacités ou tuer la personne qui l'ingère, n'a jamais été de tout repos. Elvira a soigneusement préparé ce moment tant redouté et sous l’œil du conseil des Cinq - plusieurs familles de sorcières ayant constitué une alliance, un "
coven", Ysabeau a porté le verre à ses lèvres. Tombant dans l'inconscience, il y a les rêves, les visions, le dévoilement, trop de choses, trop de choses. Au fond, tout au fond, deux voix :
Gali et
Maman. L'autre maman. Deux voix oubliées. Elle continue à avancer. Sa mère ? La vérité éclate brutalement, rudes. Mais il y a un prix. Gail a tendu sa main dans l'obscurité d'un endroit qui rappelle les limbes. Elle lui a promis de vivre, elle lui a promis la vérité. Aucun des deux ne lui aurait été accordé sans ce pacte. Elle était bien trop faible.
C'est donc avec la vérité et la vie qu'elle s'est tirée de la promesse des enfers. Remontée hors de danger, repoussant violemment la main tendue de sa mère, lui crachant avec amertume qu'elle savait, tout,
tout. Figés les membres du conseil les congédient alors qu'une pensée une seule traverse l'esprit de la jeune sorcière. Les lettres volent, à celles-ci s'en ajoutent d'autres.
Gali. Gail. Abigail.
Abby.
Salem. 1985. Les voix... ou plutôt
la voix a commencé peu de temps après l'initiation. Elle s'est inquiétée mais a tout passé sous silence. Elle a pu facilement les distraire avec l'apparition de cet étrange don qui fait la fierté d'Elvira. Elle lui apprend à le contrôler mais Ysabeau ne veut rien savoir. L'apprentissage a tout de même recommencé. Peut-être que l'envie d'apprendre était la plus forte ou qu'après lui avoir tout avoué Bo sait qu'il n'y avait rien d'autre à faire. L'adolescente pense à sa mère, à son père, aux éventuels frères ou sœurs qu'elle pouvait avoir. Elvira ne lui dévoilerait rien pour le moment, c'était une partie du pacte. Alors il n'est pas question qu'elle lui parle des chuchotements.
La réponse quant à l'origine de ces mystérieux murmures lui vient en rêve.
L'air est lourd, chaud, humide. La pluie battante s'écrase sur les murs des maisons et sur la terre meuble. Des silhouettes floues courent s'abriter, bousculant dans leur course, les égarés au regard troublé par les gouttes de pluies qui dégoulinent sur leur visage. Accroupie derrière un arbre, elle observe la scène perchée sur le haut de la colline qui surplombe le petit village. Ses mèches de cheveux sont collées à son front par la sueur et la pluie chaude. Elle n'est vêtu que d'une robe légère, sa tenue du soir dans laquelle on l'a surprise. Courant sans se retourner, la jeune femme n'a rien pris sur elle, si ce n'est les fripes qu'elle avait sur le dos à ce moment là. Ses pieds sont nus et s’enfoncent dans la boue au fumet acre qui recouvre l'endroit. Cela fait deux jours qu'elle guette, observe attentivement les préparations. Quelques hommes subsistent encore sur la grande place, ramassant leurs outils et laissant le semblait d’échafaud qui est en train de se monter à proximité du pilori sur lequel s'agite une silhouette fine, non reconnaissable depuis son perchoir.
Il n'y a ni pluie, ni douleur, ses vêtements sont secs. Une sensation fantôme parcourt son dos. En sueur, Ysabeau suffoque. Elle envoie balader les draps sur le sol. Encore un cauchemar. Pourtant si réel, si troublant. L'un des nombreux d'une longue série. Les filles de son âge se réveille peut-être suite à un rêve quelconque, mais Bo n'est pas comme les filles de son âge. Un ricanement perce parmi ses pensées. La vision n'est que caprice, harcèlement.
«
Il était temps que tu saches. »
Gali. Gail. Abigail. Abigail Short. Une Prenderghast. Arrière, arrière, arrière [...] grande-tante, cousine. Quelque chose comme ça... L'un des fameux "ancêtres" de la famille. Née à Salem, mariée à Salem, pendue à Salem. C'était l'une des accusées du procès. Lors de ses derniers instants, elle avait proféré une malédiction, sur sa propre famille, afin de pouvoir avoir les moyens de se venger.
Et se venger, elle l'avait fait. De temps en temps, un pauvre malheureux Prenderghast se faisait possédé. Parfois, elle allait tué un descendant d'un des juges ou des accusés, tourmentait leur famille, leur jetait quelque sort ou malédiction. On la craignait chez les Prenderghast, à tel point qu'on osait proférer son nom. Abigail n'était plus une fille de son temps. Elle vivait avec son époque, avait collé aux basques de son dernier réceptacle, une lointaine cousine de Bo, qui avait tragiquement fini.
Et voilà qu'Ysabeau est sa nouvelle victime. Mais la chose avait été différente cette fois. Jamais l'esprit n'était lié au corps, jamais. Mais voilà que par un concours de circonstances, la jeune fille avait croisé son chemin en s'enfonçant dans l'entre-deux, les limbes, invoquant cette "amie imaginaire" comme elle l'avait toujours cru, voilà qu'elle avait accepté un pacte... sans le savoir. Bo était parfaite, exactement ce dont elle avait besoin. Malheureusement les pouvoirs grandissants de la jeune femme, sa capacité particulière avait amené Abby à elle et les avaient soudés.
Les premiers moments furent difficiles et dire que Bo s'y habitua serait un affreux mensonge. Elle composa avec. Maintenant qu'Elvira avait accepté qu'elle ait au lycée, suite à l'initiation qui avait rendu les choses tendues entre eux, elle supportait les regards de ses camarades lorsqu'elle répondait à sa "colocataire" à haute voix par inadvertance. Ysabeau tenta à maintes reprises de se débarrasser d'elle mais aucun sort ne réussit. Une véritable lutte faisait rage entre les deux jeunes filles et lorsqu'Abigail commença à prendre possession intégrale du corps de Bo ce fut la goutte qui déborda le vase.
***
Le conseil est prés à se débarrasser d'Abigail et maintenant qu'elle a pris racine dans un corps l'opération est réalisable. Elvira a voulu défendre sa nièce mais rien à y faire. La décision est sans appel.
Par un concours de circonstances, Abigail a appris ces manigances et a transmis l'information à la jeune fille, espérant qu'elle agirait. Malheureusement, la sorcière le regrettera bien assez vite.
Elle entre en trombes dans la salle du conseil. Ils la regardent stupéfaite. Elvira s'approche d'elle. Oui, tout ça est ridicule. Salem, le musée que sa tante tenait à la gloire d'un passé oublié, la maison, la bibliothèque, les fêtes, les sacrifices... Tout, tout, tout, tout. Le conseil la regarde. Pour la plupart, il s'agit de peur, d'effroi. Une d'entre elle, une femme brune, s'écarte lentement, psalmodie. «
Vous tous... vous tous. » lâche-t-elle impitoyable. Elle lance l'ouvrage sur la table qui atterrit avec un bruit lourd. Personne n'ose parler. Elvira lui tient encore tête, mais la jeune femme sent bien qu'intérieurement elle est dépitée. C'est de sa faute, rien que sa faute.... tout de sa faute. Elle tremble alors que le reste du conseil commence à se réunir autour de la sorcière. Le sort psalmodié est
mortel. «
Tu ne peut pas nous stopper, Elvira. »
-
Arrête Ysabeau ! Arrête !- Et pourquoi ?! C'est ce qu'ils ont toujours voulu non ?
Sa tête lui fait mal, son sang bat dans ses tempes alors que les membres du conseil redressent sa tête pour l'observer. Ses yeux sont brillants, vifs, inhumains. Les plaintes d'Abby résonnent dans sa tête alors qu'un rictus amer déforme ses traits. Les sorciers qui l'entourent sont secoués de soudains spasmes. Leurs bouches ne murmurent plus l'incantation prévue, tandis que les murs de la salle se craquellent. Elle pompe en eux un excès d'énergie fatal et tandis qu'Abigail tentait de la prévenir il est trop tard lorsqu'elle reprend ses esprits. Celle-ci, par miracle, reprend le contrôle pendant quelques secondes et la plaque au sol tandis qu'une déflagration lui vrille les tympans.
Un goût métallique lui emplit la bouche. Étalée sur le sol, inconsciente, les cris d'Abigail tentent de la réveiller. Elle se traîne sur un demi-mètre avant de réussir à se relever de moitié. La culpabilité et la panique la frappent rudement lors que son regard se pose sur la scène. Les corps inanimés des membres du conseil sont étalés un peu partout, alors que les résidus de magie flottent encore dans les airs. Ils sont morts. Happés par leurs propres pouvoirs. En se redressant, elle aperçoit le corps tremblant d'une survivante. Sa tante ? Non. Il s'agit de la plus jeune du conseil. Elle ne se rappelle même plus son nom mais peu importe. Le coeur serré, elle se dirige vers la sortie qui n'est plus qu'un trou béant.
-
C'est l'une des nôtres... Elle respire encore.- Remarque particulièrement hypocrite venant de ta part.
Les éclats de verre craquaient sous ses semelles. Abby est étrangement calme mais Ysabeau peut bien sentir son hésitation. La perte de contrôle de son hôte ne l'a pas apaisée. Loin de là. Sans jeter un coup d’œil à la petite silhouette qui expire sur le sol, elle sort à l'extérieur, alors que la chaleur de ce beau jour d'été la frappe soudainement.
- Tu ne t'es pas gênée pour les faire souffrir.... les "tiens". Les autres aussi. Moi je ne voulais pas c'est...
-
J'étais comme toi. Je me suis battue, tu sais. Battue, vraiment battue. Avec la force de mes poings. Ils sont venus et ils m'ont attaqué mais j'ai répliqué. J'en ai tué un, ou deux je me rappelle plus. Je voyais en boucle tout ce qu'avait vécus mes ancêtres, encore, encore, encore... Quand j'ai poussé mon dernier souffle, je me suis jurée qu'aucun de mes descendants n'auraient à subir ça. - Mmm.
-
Crois le ou non. Eux, ils n'ont jamais compris. Ils avaient peur, se sont réfugiés derrière leurs croyances, pour nous faire du mal. Pourtant nous n'oublions... jamais. Nos ancêtres ont quitté leurs terres natales mais nous n'avons jamais perdus nos origines. Je n'étais que l'une de celles qui portaient ses souvenirs. Toutes les trois générations, ce don revenait. Ta mère l'a eut et elle a renié ses racines.- Pour de bonnes raisons.
-
Tu es en colère et je peut comprendre ça. Mais, toi même tu sais que l'appel de la magie est bien plus fort. Aurait-tu échangé cette existence contre celle qu'elle te réservait ? Ysabeau reste silencieuse. Le sac qu'elle a récupéré chez sa tante pèse lourd sur ses épaules. Son oncle était absent... tant mieux. Il faut qu'elle parte. Loin. Les sorciers couveront les traces, tout restent dans la communauté dans le coin. Mais c'est une question de survie. Il faut partir. Partir. Peut-être qu'elle peut retrouver sa mère désormais ?
Il faudra vivre. Avec cette culpabilité, ces souvenirs qui l'étouffent déjà.
Vivre.
Partir.Paris. 1989. Quatre ans. Quatre ans qu'elle est sur les routes, a passer d'état en état. De pays en pays. La marque des meurtres commis quelques années plus tôt est toujours là, la sentiment de culpabilité est toujours aussi saillant. Elle voulait aller vers Lizzie, vers sa mère, vers son mère. Elle s'est tenue à l'extérieur de leur petite maison, les yeux embués de larmes. Pourtant, la jeune femme n'a pas réussi à passer le pas. Elle s'est renseigné sur eux, sur leurs deux filles, sur ses deux sœurs.
Puis un jour le drame. En remontant la piste de sa sœur, partie à Paris, dans le but de la retrouver, elle apprend sa mort. Il est temps pour elle de refaire surface et de découvrir le fin mot de l'affaire. Rien ne la retient aux Etats-Unis, elle embarque donc ses quelques affaires, une petite réserve d'argent et elle est en route pour l'Europe.
***
-
Il nous regarde bizarrement.- Il
me regarde bizarrement.
Abigail et Ysabeau.... c'est compliqué. Plus les jours et les mois passent, plus l'esprit fait sa place dans l'existence de la sorcière. Le pacte passé lui permet désormais d'user de l'enveloppe corporel de Bo, d'agir à travers elle, d’annihiler sa présence, pendant une durée limitée toutefois. Elles avaient convenus de se laisser chacune quelques moments d'intimités, instaurant des règles sous la forme d'un accord. Ysabeau est tenue d'arrêter de tenter de se débarrasser de l'esprit, et Abby met de côté ses envies de vengeance et de violence.
Abigail fait désormais sa vie, pour la première fois depuis sa mort. Elle accumule amis, conquêtes, ennemis parfois. Disons que séparer leurs deux vies est quelque chose d'assez sensible. Entre les histoires de jumelles ou de double-personnalité, les qui-proquos sont désormais monnaie courante pour la jeune femme. Une main se pose sur son épaule, l'arrachant à ses pensées. Elle sourit. La jeune femme qui l'a accosté lui rend son clin d’œil avant de lui tendre un verre. C'est une de ses collégues de boulot, une vendeuse comme elle, demi-démone quelque chose comme ça, spécialisée en recel d'objets magiques. Son regard glisse de nouveau vers le barman. Elle s'empresse de se détourner, entendant l'écho des plaintes d'Abby.
-
Tu ne sais vraiment pas t'amuser, marmonne Abby lorsqu'Ysabeau repousse le verre d'alcool,
Il est plutôt pas mal. - Même pas en rêve, pense sèchement la sorcière.
-
Mais... Le silence s'installe et Bo respire posément. Elle est tranquille, pour quelques minutes. Du moins c'est ce qu'elle croit. Ses paupières sont lourdes, et une sensation enivrante l'envahit.
- Abby... no..., murmure-t-elle faiblement.
Puis, le black out.La bouche pâteuse, étourdie, Ysabeau s'arrache du sommeil dans lequel elle a été plongé. Elle se retrouve dans un lieu inconnue, comme tant de fois auparavant. Cette fois-ci, c'est une chambre dans un appartement... quelque part, elle ne reconnait pas le quartier en regardant à travers la fenêtre. A ses côtés, un corps endormi. Le barman de la veille surement. Elle ne prend pas le temps de le vérifier et s'empresse de s'habiller avant d'attraper son sac et de sortir. Il fait encore nuit, il est surement trois, quatre heures du matin. Abby l'a encore amené elle-ne-sait-où avec elle-ne-sait-qui.
- Contente de toi ? Réplique-t-elle. Personne dans les alentours, elle se permet de parler à haute voix tandis que la voix de l'esprit résonne dans sa tête.
-
Plutôt oui. Il faut bien qu'une de nous deux s'amuse. Tu es impossible ces derniers temps, toujours renfermée, à te plaindre. La vie est belle. On est à Paris bon sang. La voix d'Abby est victorieuse, cinglante, moqueuse.
- Ta gueule.
« Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. Ta gueule. »
Ta gueule.Le silence. C'est reposant au fond. Ysabeau fit quelques pas et s'arrêta. «
Tu boudes ? » Aucune réponse. C'était puéril, enfantin. Cette fille avait deux siècles de plus qu'elle au compteur et pourtant elle se comporte comme une sale gosse. «
Eh ? » Toujours aucune réponse. La jeune femme grommela et continua son chemin mal à l'aise. Sans les jacassements de l'
autre, elle se sentait étrangement mal.
- Réponds.... s'il te plait.
-
Ah.- Me fait plus un coup pareil. S'il te plait. C'est pas le genre de trucs....
-
Alors me parle plus comme ça.- [silence] Je croyais que de nous deux c'était toi la puritaine.
-
Je te l'ai déjà répété une centaine de fois. C'était l'époque... l'époque... et je pourrais te sortir le même argument miss sainte nitouche. Je ne suis pas la garante de ta bonne réputation, tu as déjà foiré de ce côté là.- Je... j'ai déjà... ? Ecoute refait plus un truc pareil.
-
L'accord ? - Quoi "l'accord" ?
-
L'accord. - L'accord ? Quoi l'accord ?! Met le où je pense, bouffe le ce foutu accord ! Et fous-moi la paix. Pars. Pars. Je... casse-toi. Je n'en peut plus de cette vie, de ces regards, de la solitude. J'échange tout ces foutus pouvoirs, cette satanée malédiction, contre un peu de compagnie. Je n'en peu plus de ta présence, de tes jugements, de tes caprices de gamine. Je veut crever, tu comprends ? Je n'en peut je...
Elle s'arrête, appuie son dos contre le mur avant de glisser sur le sol. Les larmes ne viennent même plus.
- De nous deux c'est toi qui peut l'avoir cette vie.
-
Toi aussi.- Arrête de mentir. Le dernier.... la dernière fois.... je ruine tout ce que je touche. Je pensais avoir le contrôle, je pensais m'en tirer, je pensais retrouver May, et me voici dans cet enfer, mon purgatoire personnelle avec une morte dans la tête, et un pouvoir incontrôlable.
- [Abby soupire]
- Quoi ?
-
Tu sais très bien. Depuis... notre départ, tu n'as rien fais pour avancer. Rien. Tu maîtrises peut-être nos sorts Ysabeau, mais tu n'as rien fais pour apprendre à maîtriser ce pouvoir qui est à l'origine de nos soucis. - [Silence]
-
Je suis peut-être dans ta tête mais c'est à toi de prendre une décision, à toi de décider ce que tu veut être. Guerre, paix. Entre toi et moi. Entre nous et le monde...Ysabeau se redresse les yeux dans le vague. Son cœur tambourine dans sa poitrine.
Elle a raison. Sans doute. Il est temps de se reprendre, d'avancer....
Vivre.